La guerre de l'information dans les élections de Taïwan
Publié le :
Les survols de ballons espions et le harcèlement par avions de combat n’étonnent plus personne à Taïwan, l’île de 23 millions d’habitants que la Chine considère comme son territoire. Mais il y a bien plus subtil pour diviser la population et peser sur le choix des électeurs ce samedi lors des élections présidentielles et législatives : la guerre de l’information. Aucun autre pays n’est autant visé que Taïwan : des fausses informations inondent les réseaux et dénigrent les candidats qui ne sont pas au goût de Pékin. Mais les Taïwanais ne se laissent pas intimider. Loin de là.

Sur TikTok, pas un jour ne passe sans une nouvelle vidéo postée par l’équipe de Ko Wen-je : le million d’abonnés du compte YouTube du parti populaire de Taïwan, le TPP, un nouveau record, par exemple, vaut bien un petit feu d’artifice virtuel…
Au quartier général du parti des démocrates progressistes, ces vidéos font grincer les dents. Si le DPP perd du terrain, c’est aussi parce qu’il a choisi de ne pas être présent sur TikTok, s’inquiète Lee Youying, l’une des responsables du parti : « Pour nous, il est interdit d’utiliser TikTok pour notre publicité, car c’est un réseau chinois, mais du coup, on perd notre visibilité parmi les jeunes, et c’est un problème très important. »
TikTok est une arme redoutable dans cette guerre de l’information menée par la Chine, estime Min Hsuan Wu, cofondateur du Doublethink Lab, une organisation qui fait la chasse à l’infox. « Pendant ces élections, nous avons documenté 10.000 incidents. Nous venons de révéler un énorme réseau qui entretient des centaines de faux profils et des fausses pages Facebook. Ils y postent des commentaires, et des captures d’écran sont ensuite largement et rapidement partagées comme s’il s’agissait d’une opinion authentique. »
Avec 15.000 cyberattaques par seconde, Taïwan est la cible numéro Un dans le monde pour la désinformation. L’élection se joue aussi sur ce terrain. « Ils ont d’importants moyens pour leurs opérations d’ingérence, reprend Min Hsuan Wu. Ils font croire aux partisans des partis d’opposition TPP et KMT que l’actuel gouvernement du DPP est corrompu et immoral. On invente donc de faux scandales sexuels à leurs candidats, vidéo à l’appui. Ces mensonges sont publiés par des sites web à l’étranger puis republiés ici. »
À lire aussiVeille de scrutin à Taïwan: le traditionnel clivage pro et anti-chinois tend à s'estomper
Les victimes ont un point commun : ils osent critiquer Pékin.
Au quartier général d’un petit parti partisan de l’indépendance de Taïwan, Kang Junming scrute son écran à la recherche de nouvelles insultes. « Dès que je poste un message ou que je publie un article, je me fais attaquer. C’est vrai que je critique la Chine et les candidats prochinois. Je pense donc avoir franchi ce qu’ils appellent la ligne rouge, et ils essaient de me faire taire. » Kang a décidé d’ignorer ces attaques – car tout ce qui compte pour ce militant pro-démocratie qui a fui la répression à Hongkong, c’est qu’à Taïwan, il a le droit de s’exprimer et même d’aller voter.
À lire aussiTaïwan condamne Pékin pour l'envoi de ballons, une «menace» pour le trafic aérien
NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail
Je m'abonne