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Indonésie: à Aceh, la population ne veut plus des Rohingyas

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Les réfugiés Rohingyas ne sont plus les bienvenus en Indonésie. En cause, une campagne de haine et de désinformation en ligne et la fatigue des communautés d’Aceh, abandonnées à leur sort par les autorités. Ces hostilités envers les réfugiés interviennent alors que 2023 a été marquée – comme l’a indiqué ce mercredi l'Agence des Nations unies pour les réfugiés – par le plus important mouvement de migration de Rohingyas vers l’Indonésie depuis 2015.

Une femme brandit une affiche sur laquelle on peut lire « Chassez le HCR, l'OIM et les Rohingyas d'Aceh » lors d'un rassemblement à Sabang, dans la province d'Aceh, en Indonésie, le 18 décembre 2023.
Une femme brandit une affiche sur laquelle on peut lire « Chassez le HCR, l'OIM et les Rohingyas d'Aceh » lors d'un rassemblement à Sabang, dans la province d'Aceh, en Indonésie, le 18 décembre 2023. © AP/Reza Saifullah
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Les Rohingyas sont une minorité musulmane persécutée en Birmanie qui, face à un déchaînement de violences en 2017, a dû fuir l’État Rakhine au Bangladesh voisin. Encore aujourd’hui, et a fortiori avec la guerre qui fait rage entre l’armée arakanaise et la junte au pouvoir, les Rohingyas vivent reclus, sans aucun droit car apatrides, la Birmanie ne les reconnaissant pas comme une minorité.

Au sud du Bangladesh, à Cox’s Bazar, ils sont près d’un million à vivre dans des conditions effroyables. Une autre prison à ciel ouvert, où le travail leur est interdit, où les rations alimentaires sont divisées par deux par manque de fonds, et où la criminalité – guerre de gangs, trafics et kidnapping – ne cessent d’augmenter. Enfin, les négociations entre Naypiydaw et Dacca sur leur éventuel rapatriement en Birmanie sont au point mort.

Les terres d’accueil de moins en moins hospitalières

Les Rohingyas cherchent refuge généralement en Indonésie, en Malaisie et dans une moindre mesure en Thaïlande. Les candidats à l’exil sont en majorité jeunes. 65% sont des femmes et des enfants. Les traversées sont longues, elles peuvent durer plusieurs mois, et périlleuses à travers le golfe du Bengale et la mer d’Andaman à bord de bateaux de fortunes surchargés, avec souvent très peu de nourriture et d’eau, 569 sont morts ou portés disparus en 2023. 4 500 ont fait la traversée dont 1 500 qui ont débarqué en Indonésie en novembre et décembre. Un record depuis 2015.

Les raisons de ce déclin de solidarité s’expliquent par plusieurs facteurs. D'abord, il faut dissocier les autorités indonésiennes et les populations locales de Banda Aceh. L’Indonésie n’est pas signataire de la Convention des Nations unies sur les réfugiés et avance qu’elle n’est pas obligée d’accueillir des réfugiés sur son sol. La marine indonésienne a d’ailleurs renforcé ses patrouilles en mer pour repousser les bateaux de réfugiés. La population de Banda Aceh a en revanche démontré ces dernières années une grande empathie et solidarité envers les Rohingyas en les accueillant à bras ouvert.

Campagne de haine en ligne

Pourquoi les choses ont changé ? Les autorités indonésiennes ne fournissent aucune aide aux réfugiés et la population d’Aceh très pauvre, n’arrive plus à faire face au nombre record d’arrivées ces derniers mois. Avant, Aceh n’était qu’un point de transit pour les Rohingyas qui poursuivaient leur périple vers la Malaisie ou l’Australie. Les Rohingyas veulent désormais y rester. En 2022, trois pêcheurs qui étaient venus en aide aux réfugiés en détresse ont été condamnés pour trafic d’êtres humains.

Résultat : une campagne de désinformation en ligne et de haine à l’encontre des Rohingyas a provoqué de multiples protestations et incidents. Le mois dernier, des centaines d’étudiants ont envahi un abri d’accueil temporaire à Banda Aceh exigeant le transfert d’une centaine de Rohingyas vers un autre lieu en vue de leur expulsion. Les pêcheurs d’Aceh qui autrefois portaient secours aux réfugiés, prêtent main forte à la marine pour repousser les arrivants. Les experts admettent que la seule façon de répondre à ce défi passe par une meilleure coopération des pays d’Asie du sud-est et surtout une volonté politique de financement et d’accueil des Rohingyas.

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