Une épave rouillée au cœur des tensions entre les Philippines et la Chine
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Un bateau philippin a été pris en tenaille et attaqué par des coups de canon à eau par deux navires des garde-côtes chinois. Cet accrochage, qui s’est produit le 5 mars en mer de Chine méridionale, a fait quatre blessés. L’incident démontre une nouvelle fois les tensions qui règnent entre les Philippines et la Chine. Au cœur du conflit : une vieille épave, le BRP Sierra Madre.

Pourquoi ce vieux navire, qui date de la Seconde Guerre mondiale, cristallise-t-il les tensions ? Tout aussi rouillé qu’elle est, cette épave avec ses trous dans la coque est tout un symbole. Il incarne la volonté des Philippines de résister à l’expansionnisme chinois. Manille a fait volontairement échouer ce vieux rafiot sur l’atoll Second Thomas, dans les eaux des îles Spratleys, en 1999, dans l’objectif d’affirmer la souveraineté des Philippines et d’imposer une ligne rouge aux Chinois.
Chaque ravitaillement est un moment à haut risque
Ces derniers mois, les incidents se sont multipliés autour du navire. Chaque mission de ravitaillement de la dizaine de soldats de la marine philippine qui vit à bord est un moment à haut risque. Pendant longtemps, les garde-côtes chinois ont laissé faire. Mais aujourd’hui, le bateau a besoin de réparations, sinon il coulera. Pékin accuse donc Manille d’avoir tenté de faire passer des matériaux de construction pour consolider le Sierra Madre – et ça, la Chine ne le tolère pas. Ce bateau est une épine dans le pied de Pékin qui veut imposer son contrôle sur cette zone stratégique. C’est un passage maritime crucial pour le commerce mondial et des réserves de pétrole s’y trouvent.
Mais bien d’autres facteurs entrent en jeu et ravivent la tension, le plus important étant que les Philippines ont changé de président en octobre 2022. L’ancien président, Rodrigo Duterte, avait passé l’éponge sur les bisbilles territoriales en échange de promesses d’investissements chinois. Son successeur, Ferdinand Marcos junior, n’est plus sur cette ligne. Il a donc signé de nouveaux accords militaires avec les États-Unis, le traditionnel allié des Philippines. Pékin accuse d’ailleurs Washington d’utiliser Manille comme un « pion » et conseille aux Philippins de ne pas se laisser manipuler par les Américains.
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La justice internationale a donné raison aux Philippines
Les Philippines ont le droit international de leur côté. Le tribunal international d’arbitrage de l’ONU à La Haye a tranché en 2016 : la Chine revendique l’essentiel de la mer de Chine méridionale en toute illégalité. Mais Pékin n’a jamais respecté ce verdict.
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Du soutien est venu des dix pays de l’Asie du Sud-Est qui forment l’Asean, réunis en ce moment en Australie. Ils ont mis en garde contre toute action qui « menace la paix ». Mais : cette « coalition des braves » ne tient qu’à un fil.
La Malaisie a déjà fait savoir qu’elle ne se laissera pas entrainer dans la rivalité entre Pékin et Washington. Et puis, il y a cet autre soutien, plus original : le grimpeur Alain Robert, surnommé « le Spiderman français » a escaladé, le 5 mars, à main nue et sans cordes les 47 étages d’un gratte-ciel à Manille, en signe de solidarité avec le combat du David philippin contre le Goliath chinois.
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