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Le Japon porte un coup de canif de plus à sa Constitution pacifiste

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Tokyo fait un pas de plus vers une rupture avec sa Constitution pacifiste. Le gouvernement a décidé d’assouplir les règles très strictes pour l’exportation d’armes létales. Cette révision permettra au Japon de vendre son nouvel avion de chasse qu’il développe actuellement avec le Royaume-Uni et l’Italie. L’exportation de cet avion, censé voler d'ici à 2035, doit contribuer au financement de ce projet qui coûtera des milliards de dollars.

Un membre de la Force terrestre d'autodéfense japonaise à côté d'un missile Patriot à Funabashi, dans l'est de Tokyo, le 18 janvier 2018.
Un membre de la Force terrestre d'autodéfense japonaise à côté d'un missile Patriot à Funabashi, dans l'est de Tokyo, le 18 janvier 2018. © AP - Eugene Hoshiko
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Le quotidien Japan Times parle d’un « nouveau virage significatif » dans la politique de défense du Japon. Jusqu’à présent, l’armée japonaise était cantonnée à sa mission uniquement défensive, les entreprises n’avaient pas le droit d’exporter des armes létales. Pourquoi ? En raison de son passé d’agresseur pendant la Seconde Guerre mondiale, le Japon s’était doté d’une Constitution pacifiste. Mais petit à petit, le pays porte des coups de canif à ce principe.

Déjà en décembre dernier, Tokyo avait autorisé la vente de missiles Patriot aux États-Unis. Grâce à ces missiles « made in Japan », les Américains peuvent désormais renouveler leurs stocks d’armes et, par la suite, doper leurs livraisons à l’Ukraine.

Après des mois de querelles, le pays nippon a franchi une nouvelle étape, mardi 26 mars, avec l’assouplissement des règles pour le transfert d’équipements militaires vers d’autres pays. Cela facilitera l’exportation d’un nouvel avion de combat que Tokyo développe actuellement avec Rome et Londres. C’est la première fois que le pays s’allie avec d’autres pays que les États-Unis, son traditionnel partenaire et pays protecteur.

Le Japon veut moderniser sa flotte vieillissante

L’objectif de ce projet, qui coûtera plusieurs milliards de dollars, est d’abord de moderniser sa flotte vieillissante de chasseurs F-2 inspirés des F-16 américains, mais aussi, même si cela se dit moins, de rendre le Japon plus indépendant des États-Unis, dans la perspective d’un éventuel retour de Donald Trump aux commandes à Washington en novembre prochain avec sa politique « America first », « l’Amérique d’abord ».

Le gouvernement du Premier ministre libéral démocrate Fumio Kishida a toutefois eu du mal à faire passer cette nouvelle révision de sa politique de défense. Le parti Komeito a freiné des quatre fers. Car ce petit partenaire de coalition au gouvernement se considère comme le gardien de la Constitution pacifiste. Il a finalement obtenu plusieurs garanties : le nouvel avion de chasse pourra uniquement être exporté vers des pays avec lesquels Tokyo a déjà des accords militaires. Ils sont au nombre de quinze, dont les États-Unis, la France, l’Australie et l’Inde. Chaque avion exporté devra par ailleurs recevoir l’aval du gouvernement nippon. Hors de question d’ailleurs de les livrer à des pays impliqués activement dans des guerres.

Fumio Kishida, l’invité de Joe Biden à Washington le 10 avril

Le moment que le Japon a choisi pour assouplir ses strictes règles en matière d’exportation d’armes n’est pas anodin. Le chef du gouvernement Fumio Kishida prépare une visite à Washington. Le 10 avril, il sera l’invité de Joe Biden à la Maison Blanche.

Le Japon veut jouer un rôle plus important dans des partenariats militaires, et cette prise de distance avec sa Constitution pacifiste devrait lui ouvrir de nouvelles portes. Tokyo y voit tout son intérêt – face à son voisin chinois de plus en plus menaçant et un potentiel conflit autour de Taïwan à sa porte.

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