Le 10 septembre, l’ambassade du Tadjikistan à Moscou a recommandé à ses ressortissants d’éviter de se rendre en Russie, évoquant des « mesures de sécurité et un renforcement des contrôles à la frontière ». Or ce sont autour d’un million de Tadjiks, sur les 10 que compte leur république d’Asie centrale, qui travaillent en Russie.
Cette décision fait suite à l’attentat de la salle de spectacle du Crocus, à Moscou, en mars dernier. Un attentat à l’arme automatique qui a causé la mort de 145 personnes, conduit par quatre citoyens Tadjiks et qui a été revendiqué par le groupe État islamique. D’autres attentats et faits terroristes se sont produits en Russie impliquant des personnes originaires du Tadjikistan et d’autres républiques d’Asie centrale, comme ce 23 août avec une prise d’otages dans une prison de Volgograd.
Il y a donc une demande à l’intérieur de la Russie pour renforcer le contrôle des migrants du travail venus d’Asie centrale. Ils sont probablement entre trois et cinq millions de Tadjiks, Ouzbeks ou Kirghizes à travailler en Russie. Mais cette annonce intervient alors que cette main d'œuvre est, comme rarement, nécessaire à l'économie russe à cause de la situation créée par l’invasion à grande échelle de l’Ukraine, entre turbulence du rouble, qui rend la Russie moins attractive pour les migrants centrasiatiques et exodes massifs des Russes depuis février 2022.
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Donc d’un côté, il y a en Russie un fort besoin de main d’œuvre émigrée et de l'autre une certaine demande populaire et une surenchère assez populiste de certaines forces politiques nationalistes qui capitalisent sur les sentiments anti-migrants d’Asie centrale.
Même s’il y a là une part d’hypocrisie, l’immigration illégale étant apparemment très importante en Russie, sur fond de corruption dans les rangs des gardes-frontières, de la police, etc. Ce qui ne veut évidemment pas dire qu’il faut sous-estimer le danger sécuritaire que représentent certains groupes instrumentalisés par le prétendu État islamique.
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Ce renforcement des contrôles aux frontières risque-t-il d’avoir d’importantes conséquences pour l’économie tadjike ? Oui, car il n'y a quasiment aucune familles dans les villages de la vallée du Ferghana, au pied des montagnes du Pamir ou dans les régions proches de l’Afghanistan qui n'ont pas au moins un de leurs membres envoyés en Russie pour faire vivre la famille.
On manque de données précises à ce jour mais il faut savoir que ces dernières années, les remises d’argent des migrants du travail, les sommes envoyées de Russie vers le Tadjikistan, représentaient une part substantielle du PIB du pays, lequel a pu dépendre jusqu’autour de 50% de celui-ci.
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