L’heure est au dégel entre le Royaume-Uni et la Chine. Avant de participer à la conférence sur la sécurité à Munich, le chef de la diplomatie chinoise Wang Yi s’est entretenu à Londres avec le Premier ministre Keir Starmer. Cette rencontre intervient au moment où le projet d’une méga-ambassade chinoise fait polémique. Des riverains, mais surtout des Hongkongais, des Tibétains et des Ouïghours craignent qu’elle serve à les surveiller de près.

Pour la Chine, cette ambassade XXL est un projet de prestige. En 2018, Pékin a déboursé 316 millions d’euros pour acheter le site, et pas n’importe lequel. Il s’agit du vénérable Royal Mint Court. C’est là que le Royaume-Uni a fabriqué, entre 1809 et 1967, ses pièces de monnaie. Ça serait donc un symbole fort, si des centaines de diplomates chinois s’installaient dans cette bâtisse historique, à deux pas du célèbre Tower Bridge et de la City de Londres.
Si les manifestations contre ce projet se multiplient, c’est parce que des dissidents ouïghours, hongkongais ou tibétains craignent pour leur sécurité. Le Hongkongais Simon Cheng, arrivé à Londres à la suite de la répression du mouvement pour la démocratie dans l’ex-colonie britannique, en fait partie. En août 2019, à son retour d'un voyage d'affaires à Shenzhen, la police chinoise avait arrêté cet employé du consulat britannique pour « sollicitation de prostituées ». Une accusation que Simon Cheng a toujours niée, accusant la police de l’avoir torturé pour lui faire avouer qu'il était un espion britannique impliqué dans l'instigation des manifestations pro-démocratie.
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Les dissidents vivent à nouveau dans la peur
Comme ce militant pro-démocratie, qui a obtenu l’asile politique en 2020, quelque 150 000 Hongkongais ont trouvé refuge en Grande-Bretagne. Mais après avoir échappé à la police hongkongaise, les dissidents vivent aujourd’hui à nouveau dans la peur, sur le sol britannique : « Nous avons dû fuir la persécution chinoise », explique Simon Cheng dans une interview à RFI, « nous ne voulons donc pas que le Royaume-Uni, qui se considère comme une démocratie, déroule le tapis rouge pour qu’un régime si autoritaire puisse envoyer ses diplomates dans un grand palais au cœur de Londres ». Il en est sûr : « Cela permettrait à la Chine de surveiller, d'intimider et de harceler davantage les militants pro-démocratie en exil, mais aussi d’autres personnes. »
La polémique met le gouvernement travailliste, élu en juillet dernier, dans l’embarras, d’autant que le Premier ministre Keir Starmer souhaite remettre sur les rails la relation avec la Chine, au plus bas depuis 2018. En cause, les critiques de Londres sur la restriction des libertés à Hong Kong, le traitement de la minorité musulmane ouïghoure dans le Xinjiang, et une série d’accusations mutuelles d’espionnage.
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Keir Starmer aurait promis à Xi Jinping de lever les derniers obstacles
Dès son arrivée à Downing Street, le gouvernement travailliste s’est rapproché de Pékin. Une première rencontre bilatérale entre le Premier ministre Starmer et le président chinois Xi Jinping, en marge du sommet du G20 au Brésil, a marqué le début du dégel des tensions. C’est d’ailleurs lors de cet entretien que Keir Starmer aurait promis à Xi Jinping de lever les derniers obstacles pour que la Chine puisse installer son ambassade dans le Royal Mint.
Simon Cheng, lui, s’efforce toutefois de rester optimiste : « Moi, je suis sur une liste de personnes recherchées. La police offre un million de dollars hongkongais (environ 123 000 euros) de récompense à qui m’attrapera », dit-il, « j’espère vraiment que le gouvernement britannique ne donnera pas la priorité aux bénéfices économiques, au détriment des principes démocratiques que nous chérissons. »
En 2022, le conseil municipal du quartier londonien Tower Hamlets a retoqué le projet par deux fois. Jusqu’au 18 février, une audition publique se tient à Londres, et Simon Cheng y a plaidé pour l’abandon du projet chinois, au nom de sa sécurité et celle de ses compatriotes.
Le dernier mot reviendra au gouvernement. Il appartiendra à la secrétaire d’État au logement, Angela Rayner de trancher si oui ou non Pékin peut obtenir gain de cause et installer sa méga-ambassade chinoise dans le Royal Mint Court à Londres.
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