Népal, Bangladesh, Sri Lanka: assiste-t-on à un «printemps d'Asie»?
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Le Népal dont la jeunesse, en une semaine, a fait fuir son gouvernement, au prix de 72 morts et plus de 2 000 blessés. Une séquence politique qui a conduit à la nomination de Sushila Karki, ancienne cheffe de la Cour Suprême, notre envoyé spécial Côme Bastin l’a suivi de près...

Les Népalais sont-ils optimistes ?
Ils sont soulagés, car ces victimes et le saccage des institutions politiques lundi dernier ont choqué. Les Népalais sont plutôt calmes et n’ont pas l’habitude de telles insurrections. La précédente révolte, qui avait conduit à l’adoption d’une constitution parlementaire et la fin de la monarchie en 2015, s’était déroulée de façon pacifique. Jeudi, en plein couvre-feu, il n’était pas exclu que le pays s’enfonce dans le chaos. Les habitants de Katmandou se réjouissent que la nouvelle génération en colère et ce qu’il restait de l’État, c’est-à-dire le président et l’armée, soient tombés d’accord rapidement sur une transition politique.
Sushila Karki semble à même de rassembler et répondre aux exigences des jeunes contre la corruption, par son passé de magistrate. Cependant, il faut se méfier de l’unanimisme de façade, après de tels événements, car ceux qui n’y ont pas participé se font oublier mais ne disparaissent pas.
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Peut-on parler d’une révolution ?
C’est une question presque philosophique ! Certains Népalais utilisent le terme de révolution, j’ai choisi de ne pas le faire car je pense qu’une révolution s’accompagne d’un nouveau régime politique, porté par une nouvelle idéologie, comme la révolution française, la révolution soviétique, les indépendances après-guerre. Or ici, passé l’image du parlement en feu, rien de tout ça. La Constitution reste en place, on a l’arrivée des élections anticipées suite à la démission d’un gouvernement. Certains Népalais exigent de choisir leur dirigeant au suffrage direct, cela nécessiterait certes d’amender la constitution, mais pas de la chambouler.
En fait, il s’agit plutôt de défendre la Constitution existante. La jeunesse a le sentiment que le gouvernement précédent, éclaboussé par des scandales, ne respectait pas l’esprit de la démocratie. C’est similaire aux révoltes du Bangladesh, où la Première ministre Sheikh Hasina a été chassée et du Sri Lanka, où le président Rajapaksa a pris la fuite.
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Certains parlent désormais de « printemps d’Asie »...
Trois régimes qui tombent en trois ans, ça commence à faire beaucoup. Et surtout parce qu’au Népal, au Bangladesh et au Sri Lanka, un même schéma semble se dessiner, même s’il y a bien sûr des différences également. Ce sont toutes des révoltes portées par la jeunesse et pas par les partis d’opposition, ce qui témoigne d’un discrédit général envers la classe politique. Ce sont des mouvements décentralisés, qui s’organisent souvent grâce à internet et se trouvent des porte-parole sur le tas une fois que les dirigeants ont été délogés.
Ce ne sont pas des mouvements révolutionnaires, ni pour un régime économique très marqué à gauche, ni pour un régime très conservateur ou religieux. Il s’agit plutôt de rétablir l’ordre démocratique considéré comme volé par la corruption et le populisme autoritaire, fréquents en Asie du Sud.
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