Retour sur le professeur Didier Raoult, le directeur de l’IHU Méditerranée Infection, et sur les controverses qu’il suscite dans les médias.

« Ils en ont parlé » : la comparaison est souvent faite avec ce dessin de Caran d’Ache de 1898, où l’on voit un paisible dîner de famille tourner au pugilat après qu’on a parlé de l’affaire Dreyfus.
En cette période de déconfinement, c’est cette fois-ci le professeur Raoult qui oppose les Français. Après l’étude de la revue scientifique The Lancet qui affirme que le traitement à la chloroquine est inefficace et peut-être même néfaste, voilà qu’une centaine de médecins et de chercheurs ont envoyé vendredi 29 mai une lettre ouverte pour critiquer la méthodologie employée par ce journal médical britannique de référence.
Sont contestées la rigueur statistique et l’exploitation des données sur lesquelles se fonde le journal avec ses 96 000 cas hospitalisés dans le monde. Une contre-offensive qui promet de relancer la machine médiatique alors que l’OMS a suspendu l’inclusion de nouveaux patients dans ses essais cliniques sur l’hydroxychloroquine et que la France a banni l’utilisation de cette molécule contre le Covid-19.
Relancer la machine ? En réalité, il serait plus juste de dire qu’elle n’a jamais cessé de tourner. Au point que la chloroquine est devenue un sujet d’opinion. Cette semaine, après BFMTV, c’est LCI qui a envoyé son présentateur star, David Pujadas, interviewer Didier Raoult. Ou L’Express qui a titré en couverture : « Raoult tire à vue ».
En dehors du folklore marseillais, ce qui frappe, c’est de constater à quel point le savant se sert de la défiance qu’inspirent les médias comme le pouvoir, pour asseoir sa crédibilité. Son propos est assez peu étayé sur le plan médical car il part du principe que son interlocuteur ne comprendra pas. D’où l’argument d’autorité : j’ai raison parce que je sais, contrairement à vous qui ne comprenez rien à la science. Il oppose aussi au big data, à la vérité froide des chiffres, un vécu de soins qui lui a permis de n’avoir que 0,5% de décès sur 4 000 cas traités.
De quoi Raoult est-il le nom ? D’abord d’une époque où un grand médecin n’a plus peur de se retrouver au banc de la respectabilité des élites. Il dit n’avoir pas besoin des journalistes en raison de sa popularité sur Internet, tout en se servant des médias. En réalité, c’est une technique de prise de pouvoir politique propre aux candidats anti-système, comme l’a montré le communicant Philippe Moreau-Chevrolet.
La différence, c’est qu’il n’a pas de comptes à rendre devant les électeurs et ne recherche que sa propre estime. D’ailleurs, Raoult n’a rien d’un populiste. En bon mandarin, il est même très élitiste. C’est un personnage ambigu, contradictoire, controversé dans un monde lui-même ambigu, contradictoire, controversé. Il est en quelque sorte l’antidote à une pharmacopée mal administrée.
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