C'est dans ta nature

L’artemisia, une plante miracle?

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Le président de Madagascar Andry Rajoelina a provoqué en Afrique un véritable engouement autour de l’artemisia, en prétendant que cette plante médicinale soignait le Covid-19. Mais aucune étude ne l’a démontré à ce jour.

Un plant d'artemisia.
Un plant d'artemisia. RFI/Florent Guignard
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Coup de théâtre et coup de poker le mois dernier à Madagascar : le président Andry Rajoelina se livre à un véritable show politique autour d’une plante, l’artemisia annua, endémique sur la grande île, déjà utilisée pour soigner le paludisme. Et capable désormais, selon lui, de guérir du Covid-19. « Dans cette guerre contre le Covid, notre munition sera la nature », s’enthousiasme Andry Rajoelina, en buvant une cannette de Covid Organics, une tisane à base d’artemisia, promue boisson nationale. Sauf qu’à ce jour, aucune étude n’a démontré l’efficacité de l’artemisia contre le nouveau coronavirus. Même si la plante a déjà été utilisée en Chine, en 2003, pour soigner le Sras.

L’artemisia est employée depuis plus de 2000 ans dans la médecine traditionnelle chinoise, et elle a même eu un rôle dans la guerre du Vietnam, comme le raconte Lucile Cornet-Vernet, une Française passionnée par la plante depuis qu’un de ses amis a été guéri du paludisme grâce à des tisanes de feuilles séchées d’artemisia. « Hô Chi Minh avait demandé à Mao s’il n’existait pas une plante pour soigner ses soldats touchés par la malaria, et de toutes les plantes utilisées par la médecine traditionnelle chinoise, l’artemisia est ressortie comme étant la plus efficace contre le paludisme. »

Lucile Cornet-Vernet a fondé la Maison de l’artemisia, un réseau implanté dans 23 pays africains, pour cultiver l’artemisia et l’utiliser pour soigner le paludisme. L’Organisation mondiale de la Santé ne recommande toutefois l’artemisia qu’en complément d’un autre traitement antipaludéen, pour éviter l’apparition de résistances. Des chercheurs ont aussi relevé des concentrations d’artemisine, l’agent actif contre le palu, trop disparates selon les plantes, selon l’endroit où elles ont été cultivées ou la manière dont elle ont été infusées.

Lucile Cornet-Vernet, de La Maison de l'artemisia, implantée dans 23 pays d'Afrique.
Lucile Cornet-Vernet, de La Maison de l'artemisia, implantée dans 23 pays d'Afrique. RFI/Florent Guignard

Des prix multipliés par cinq

Lucile Cornet-Vernet a ses propres plants d’artemisia dans son potager niché au cœur d’une forêt de l’Oise, au nord de Paris. Et elle est intarissable sur les vertus de la plante, qu’un prix Nobel de médecine a d’ailleurs consacré, attribué en 2015 à la Chinoise Tu Youyou pour ses travaux sur le paludisme et l’artemisine, l’un des très nombreux principes actifs que contient cette plante médicinale par excellence. « Les plantes sont dans la nature, comme nous. Et elles doivent combattre des agents pathogènes, comme nous. Elles testent ainsi plein de molécules, en gardant celles qui les aident à grandir. 70% de nos médicaments sont ainsi issus des plantes. »

Depuis la promotion du Covid Organics à Madagascar, l’artemisia fait l’objet d’un véritable engouement sur le continent africain. Ce qui a entrainé des effets pervers, en cette saison des pluies, la saison du palu. L’artemisia s’est raréfiée, au point que plusieurs Maisons de l’artemisia, au Mali ou au Gabon, se sont retrouvées en rupture de stock. La Maison de l’artemisia du Bénin, de son côté, a dû rationner sa production, pour que les malades du palu n’en manquent pas. Pablo Kakpo, son vice-président, a vu « des gens en acheter de grosses quantités, pour spéculer. » Le sachet de feuilles séchées d’artemisia se vend habituellement 2 000 francs CFA. Les mêmes sachets, raconte-t-il, ont été retrouvés au Gabon à 10 000 francs CFA. Des prix multipliés par 5. Ce qui fait cher la tisane dont rien ne prouve encore qu’elle soit efficace contre le Covid-19.


La question de la semaine : « L’hydroxychloroquine vantée par le professeur Didier Raoult vient-elle aussi d’une plante ? »

Elle vient du quinquina, un arbuste qui ne pousse qu’en Équateur, dans les Andes, en altitude. C’est de son écorce qu’on extrait la quinine. Son écorce ressemble à celle de la cannelle mais est très amère. C'est d'ailleurs cette amertume que l’on retrouve en buvant du Schweppes tonic.

Le quinquina a été ramené en Europe il y a 400 ans par des religieux pour ses vertus contre le paludisme qui fait des ravages à cette époque dans des villes comme Rome. Très en vogue sur tout le continent pour soigner les fièvres intermittentes, le quinquina guérit le roi Louis XIV. Miracle à la cour – à Versailles, pas encore à Marseille – le quinquina fait alors l’objet d’un véritable culte. Il inspire même Jean de la Fontaine, poète et courtisan : « Tout mal à son remède au fond de la nature ».

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