Chronique des médias

Peut-on filmer la police?

Publié le :

Inquiétude autour de la proposition de loi sur la « sécurité globale », soutenue par le gouvernement, qui vise à encadrer la diffusion des images d’interventions des forces de police.

Des policiers et CRS patrouillent sur la Butte Montmartre à Paris le 30 octobre 2020, alors que la France a élevé son niveau d'alerte de sécurité sur tout le territoire (image d'illustration).
Des policiers et CRS patrouillent sur la Butte Montmartre à Paris le 30 octobre 2020, alors que la France a élevé son niveau d'alerte de sécurité sur tout le territoire (image d'illustration). REUTERS/Charles Platiau
Publicité

La défenseure des droits Claire Hédon s’est inquiétée jeudi de cette proposition de loi sur la sécurité qui « soulève des risques considérables d’atteinte au droit à la vie privée et à la liberté de l’information ». Pour les deux députés LRM à l’origine du texte, Alice Thourot et Jean-Michel Fauvergue, il s’agit seulement d’empêcher que soient diffusées des images dans le but de « porter atteinte à l’intégrité physique ou psychique » d’un policier. Comment ? En montrant son visage ou tout autre élément d’identification lors d’une opération de police. Sont visées les images de vidéastes ou de reporters indépendants qui couvrent les manifestations, y compris en direct, et laissent voir des visages ou des signes de reconnaissance susceptibles de constituer une menace pour le policier sur un réseau social. Un an de prison et 45 000 euros d’amende pourraient sanctionner tout manquement à cette disposition approuvée jeudi en commission des lois.

La défenseure des droits rappelle le caractère public de l’action des forces de l’ordre et combien la captation d’images sur ces interventions policières relève du contrôle démocratique. Elle dénonce également comme une atteinte à la vie privée d’autres éléments du texte comme la possibilité de surveiller par drones une manifestation, d’exploiter en temps réel les caméras piétons des policiers ou de consulter sans habilitation les images de vidéo-surveillance.

Mais c’est surtout l’encadrement de la diffusion sur des opérations de police qui fait bondir les médias qui ont recours, souvent, à de telles images. D’abord parce le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, ne s’embarrasse de subtilités et parle d’« interdire » de diffuser l’image de policiers et de gendarmes sur les réseaux sociaux, ce en quoi il répond aux exigences des fonctionnaires de police qui veulent que l’atteinte à leur image passe avant le droit à l’information.

Ensuite parce que comme le rappelle RSF, beaucoup d’images sont diffusées en direct sur les réseaux sociaux. Les policiers pourraient alors interpeller un vidéaste ou un journaliste en estimant qu’il les filme avec l’intention de leur nuire alors même qu’il est en train d’attester d’une violence policière. Poursuivis, ce même journaliste ou vidéaste pourrait ne plus pouvoir couvrir une manifestation. En viendrait-on, aussi, à ne plus pouvoir filmer en France un acte aussi grave que le meurtre de George Floyd dès lors que des policiers s’y opposeraient ? David Dufresne, qui vient de sortir le documentaire Un pays qui se tient sage sur les violences policières, estime que son film ne pourrait tout simplement plus exister.

NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail

Suivez toute l'actualité internationale en téléchargeant l'application RFI

Voir les autres épisodes
  • 03:17
  • 02:46
  • 02:58
  • 02:59
  • 02:55