Salto: pourquoi le «Netflix à la française» n’a pas tiré son épingle du jeu
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La plateforme de streaming Salto pourrait bien vivre ses dernières heures. Des annonces sur son avenir pourraient intervenir d'ici ce soir, selon des sources proches du dossier. Et l'avenir est sombre.

Le désengagement des trois partenaires de la plateforme de streaming (« diffusion en mode continu ») des principaux groupes audiovisuels français semble en tout cas acté. Lors de la présentation de leurs résultats cette semaine, M6 et TF1 ont intégré dans leurs comptes les charges liées à sa disparition prochaine. France Télévisions a déjà annoncé en janvier ne pas poursuivre l'aventure. La fin semble d'autant plus inéluctable que depuis lundi 13 février, Salto n'accepte plus de nouveaux abonnés.
L'une des explications de cet échec, moins de trois ans après son lancement, tient peut-être à la structure même de ce service. Trois concurrents historiques de l'audiovisuel français - publics et privé - se sont unis non sans quelques difficultés. Dès le début, cette union est très encadrée par les autorités de la concurrence. À tel point que son lancement prévu début 2020 est repoussé à l'automne. Quelques mois précieux qui font perdre à Salto le tremplin donné à la vidéo à la demande par le premier confinement. Tremplin dont a profité le vétéran Netflix et Disney, la plateforme Disney+ ayant été déployée en France pendant le confinement.
Il y a par ailleurs une sorte de « schizophrénie » dans cette alliance entre concurrents, note un spécialiste des médias.
Les parties prenantes ont leur propre plateforme de streaming. Elles sont venues, elles-mêmes, concurrencer Salto en proposant certains programmes gratuitement. TF1 et M6 ont même lancé leur service payant. La fusion des deux chaînes aurait sans doute simplifié cet aspect. En outre, TF1 et M6 s'étaient engagées, en cas de mariage, à racheter la part de France Télévisions. Mais les fiançailles ont dû être rompues fin septembre 2022.
Les programmes proposés sont-ils en cause ?
Salto s'est offert quelques exclusivités. Paradoxalement, elle s'est surtout distinguée par des exclusivités venues d'outre-Atlantique, avec l’émission Friends, les retrouvailles ou la suite de Sex and the City, alors qu'elle était censée promouvoir « le rayonnement de la création française et européenne ».
Salto proposait aussi beaucoup de programmes diffusés gratuitement sur les chaînes partenaires. Convaincre le public de passer à l'abonnement payant a été d'autant plus difficile.
Le catalogue, le nerf de la guerre
Pour encourager les téléspectateurs à payer, il faut les appâter avec des programmes d'envergure. Surtout, il en faut suffisamment, ou les renouveler suffisamment souvent pour qu'ils ne se désabonnent pas. Et pour ça, il faut entre autres, du budget. Salto pouvait difficilement rivaliser sur ce terrain-là avec les 135 millions d'euros investis par les actionnaires. À titre de comparaison, l'an dernier, Netflix avait annoncé investir 17 milliards de dollars pour le contenu.
Pour autant, selon un expert du secteur, « peut-être qu'en persistant un peu plus Salto aurait pu fonctionner ». Les résultats ont été décevants mais pas honteux. L'objectif du million d'abonnés fin 2022 n'a certes pas été atteint. Avec environ 800 000 clients, le service s'en est tout de même approché.
Des concurrents européens aux grandes plateformes américaines peuvent-ils émerger ?
Il existe déjà une multitude de services de vidéo à la demande. On pourrait citer Britbox au Royaume-Uni dont le marché pourrait s'élargir et Viaplay dans les pays scandinaves. Arte développe aussi une plateforme. MFE, ex-Mediaset, le groupe de la famille Berlusconi, s'emploie à se consolider hors d'Italie dans l'espoir de créer un géant européen susceptible de rivaliser avec les poids lourds du secteur.
De là à voir émerger un mastodonte européen généraliste, cela suppose de franchir plus d'un obstacle.
La diversité culturelle européenne qui ne simplifie pas les questions de catalogues. Un spécialiste souligne aussi que cela multiplie les négociations sur les droits.
Les firmes déjà installées traversent des turbulences
Disney vient d'annoncer le licenciement de 7 000 personnes alors que Disney+ a perdu des abonnés pour la première fois. Perte de vitesse de Netflix aussi début 2022 avant de rebondir. Mais malgré ses 230 millions de clients, les résultats nets annuels du leader mondial ont baissé de 12%. Pour redresser la barre, le leader mondial déploie des dispositifs visant à limiter le partage des mots de passe. Les deux firmes californiennes développent aussi des abonnements moins chers couplés à de la publicité.
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