Pourquoi le champion des semi-conducteurs ASML envisage de quitter les Pays-Bas
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L’un des poids lourds mondiaux des semi-conducteurs, le néerlandais ASML, serait prêt à s'installer en France. À Paris, cette rumeur fait rêver, mais aux Pays-Bas, elle fait trembler le gouvernement. Le groupe menace de partir à cause des mesures anti-migrants actuellement en discussion.

Quitter un pays libéral, avec un régime fiscal avantageux, pour un pays considéré à tort ou à raison comme encore trop administré, l’idée parait à peine croyable. Mais le gouvernement néerlandais prend l’affaire très au sérieux : il a déclenché un plan d’urgence pour retenir ce joyau de l'économie. ASML fabrique des machines uniques au monde : elles servent à usiner les puces miniatures, inférieures à sept nanomètres. Ce savoir-faire a propulsé cette entreprise à la quatrième place des champions mondiaux des semi-conducteurs. La société pèse aujourd’hui 250 milliards d’euros, soit 20% de la bourse d’Amsterdam. Un groupe stratégique pour l’essor de l’intelligence artificielle, et bien sûr pour l’économie des Pays-Bas.
Des restrictions à l’immigration sont néfastes pour les affaires. Le patron de l’entreprise, Peter Wenninck, se dit exaspéré par les lois anti-migrants en préparation. Sous l’impulsion du populiste Geert Wilders qui a remporté les élections législatives de novembre dernier, les quatre partis aujourd’hui en négociation pour former un gouvernement de coalition soutiennent un arsenal de restrictions à l'immigration.
La ristourne fiscale de 30% accordée aux résidents étrangers hautement qualifiés serait supprimée, c'est ce qui est le plus contesté par Peter Wenninck, l’accueil des étudiants étrangers limité et les enseignements en anglais dispensés dans les universités en partie supprimés.
Un cauchemar pour les ressources humaines d’ASML
Une politique qui fragiliserait l'avenir d'ASML car 40% de ses 23 000 salariés basés aux Pays-Bas sont étrangers. Dans la guerre des puces, la chasse aux talents est mondiale. Pas question pour ASML de renoncer à la main d’œuvre étrangère indispensable à son développement. D'autant plus que les candidats locaux ne sont pas en nombre suffisant pour répondre à la demande de l’entreprise. Le directeur général Peter Wenninck a prévenu dès le mois de janvier que ce dispositif anti-migrant était néfaste pour les affaires. Depuis, la rumeur d’une délocalisation enfle, pourquoi pas en France. Certains parlent d’un chantage. Vrai ou faux, la ministre de l’Économie Micky Adriaansens fait son maximum pour l’empêcher.
Les étrangers sont accusés de faire grimper le prix du logement. Les startups néerlandaises se plaignent, elles aussi, de ces futures restrictions à l’accueil des étrangers. Car elles aussi vont chercher bien au-delà des frontières environ 30% de leur personnel. Ces profils recrutés à prix d’or sont très fructueux pour les entreprises mais leur présence fait grimper les prix de l’immobilier : +65% depuis cinq ans dans un pays douze fois plus petit que la France. Se loger est devenu inabordable.
Ce stress économique majeur attribué à la présence excessive des étrangers nourrit le vote xénophobe. Le gouvernement néerlandais doit donc résoudre ce problème aigu tout en évitant la fausse réponse de l’extrême droite pour conserver la poule aux œufs d'or sur son sol. Un exercice d'équilibriste pour répondre à une vraie question politique et économique : comment laisser la porte ouverte à la migration vitale pour l'économie sans creuser les inégalités mortelles pour les démocraties ?
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