La coquille Saint-Jacques, animal à remonter le temps
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Elle est au cœur du conflit de la pêche qui oppose la France et le Royaume-Uni, elle est aussi au centre des assiettes des fêtes de fin d’année... La coquille Saint-Jacques est un mollusque qui renferme bien des secrets. Des milliers d’informations sont stockées par cette « sentinelle de la mer ».

« Quand je vous dis coquille Saint-Jacques, vous voyez un plat festif. » Laurent Chauvaud est le spécialiste français de la coquille Saint-Jacques, non pas côté cuisine, mais côté sciences. Et c’est la science qui nous apprend beaucoup sur l’un des coquillages les plus consommés lors des fêtes de fin d’années. Oui, d’abord, pourquoi l’aime-t-on tant ?
Quel est donc le secret de son goût ? « Nous, humains, stockons du glycogène, du sucre, dans votre foie, explique Jacques Chauvaud, océanographe au CNRS. La coquille Saint-Jacques fait ça dans son muscle. Donc, quand vous mettez du beurre dans une poêle avec une coquille Saint-Jacques, et que vous la chauffez, le goût que vous obtenez est un goût de sucre. Voilà un animal dont la biologie nous est favorable ! » Et voilà pourquoi des Saint-Jacques poêlées prennent un aspect légèrement brunâtre : elles caramélisent...
Un jour, une strie
Ce plat très recherché est devenu un objet de recherche. Dans chaque coquille, le squelette qui protège ce muscle si goûteux, il y a des tonnes d’informations que la science peut aujourd’hui décrypter. La coquille Saint-Jacques est un animal à remonter le temps, une archive environnementale, une « sentinelle de la mer », pour reprendre le titre d’un des ouvrages de Laurent Chauvaud, qui l’a découvert (éditions Équateurs). Chaque strie que l’animal fabrique chaque jour serait comme un vieux parchemin qu’un archéologue pourrait décrypter.
« Essayez d’imaginer des hiéroglyphes qui portent des informations d’abord sur les propriétés et l’état de santé de la coquille Saint-Jacques, ensuite sur son environnement : température, salinité, présence d’algues toxiques, concentration d’oxygène... Cet animal a dans son squelette des informations archivées, à l’échelle du jour, pendant toute la durée de sa vie. Il est ainsi possible de calculer la température de l’eau de mer tous les jours. Et même il y a 25 millions d’années si on veut », puisque les coquilles Saint-Jacques sont présentes sur la planète depuis 25 millions d’années. Les informations chimiques engrangées par ce mollusque bivalve sont si précises qu’on peut déterminer la température de l’eau à 0,2 degré Celsius près.
Le goût du corail
La coquille Saint-Jacques européenne, Pecten maximus (la vraie, disent les puristes), vit au large des côtes normandes et bretonnes et se retrouve bien malgré elle au cœur du conflit de la pêche qui oppose la France et le Royaume-Uni depuis le Brexit. Une espèce qui n’est pas menacée, en raison d’une pêche raisonnée. La coquille Saint-Jacques possède près de 200 yeux. Elle se déplace en refermant son clapet, et le jet d’eau qui jaillit la projette en arrière à une telle vitesse qu’elle peut échapper à des prédateurs.
Enfin la Saint-Jacques est hermaphrodite ; elle possède des organes sexuels à la fois mâles et femelles. « L’astuce consiste à émettre les gamètes mâles en premier, jamais de façons synchrones avec les gamètes femelles, pour éviter l’auto-fécondation, précise Laurent Chauvaud. Et ça fonctionne très bien : les coquilles Saint-Jacques émettent quelques millions d’œufs après avoir émis quelques milliards de spermatozoïdes. » C’est dans le corail que se trouvent les organes sexuels, mâles dans la partie blanche, femelle dans la partie orange. Le corail, le morceau de la coquille Saint-Jacques le plus recherché des gastronomes.
« Quel est le point commun entre un coquillage et un arbre ? »
Ce sont les cernes, ou les stries, les anneaux de croissance, qui permettent de mesurer leur âge, sur un tronc coupé pour l’arbre ou sur la coquille, de la Saint-Jacques par exemple. Une ligne par an, c’est facile à compter. Sur une praire, un petit mollusque pêché dans l’Atlantique-Nord, on a pu en dénombrer 507. Ce qui lui fait donc 507 ans, et qui en fait l’animal le plus vieux au monde. Mais attention, seulement l’animal solitaire, parce que les coraux, qui vivent eux en colonies, peuvent atteindre plusieurs dizaines de milliers d’années.
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