Une sécheresse « historique » a frappé la France l'été dernier. Dans les rivières, presque à sec, les poissons sont en danger de mort. Dans le sud de la France, des pêcheurs tentent de les sauver.

(Rediffusion du 7 août 2022)
Ils se sont donné rendez-vous sur le parking de la Poste du village des Mages, à 7 heures du matin, à la fraîche, avant que le soleil n’écrase tout sur son passage. Un groupe de pêcheurs et de garde-pêches ont répondu à l’appel, déterminés à sauver ce qu’il reste de la catastrophe en cours ; jamais leur rivière, l’Auzonnet, qui coule dans le nord du Gard, aux portes des Cévennes, dans le sud de la France, n’avait été aussi basse. « Ça fait 50 ans que je suis dans le coin, je n’ai jamais vu ça, témoigne Louis. Et mon beau-père, qui a 94 ans, m’a dit : "C’est la première fois que je vois ça, aussi sec que ça…" »
Alors, il faut sauver les poissons de l’Auzonnet, chevennes, gougeons, perches, ablettes et autres vairons, pris au piège de la sécheresse, quand la rivière ne coule presque plus, en les déplaçant dans des eaux plus clémentes, en aval. « Sur toute la partie complétement sèche, beaucoup d’écrevisses sont mortes, décrit Maxime. Les petits poissons ont pu se rassembler dans les dernières flaques qui sont là. Mais là-haut, il n’y plus rien, tout est mort. Le principal est de récupérer les petits et de faire ce qu’on peut. On ne fera pas de miracle. Sur les 2 500 petits poissons qu’on va récupérer, 500 auront une espérance de vie un peu plus prolongée. »
Ni neige l’hiver, ni pluie l’été
Les pêcheurs sont abattus, tant le spectacle est désolant : des mares dans une rivière de cailloux, remplies de vase où se sont réfugiés les poissons. « Ce n’est pas une algue toxique, précise Christophe, garde-pêche. C’est une algue verte, mais elle va pomper tout l’oxygène. Et avec la chaleur et le manque d’eau, elle prolifère. Et les poissons s’asphyxient. »
Les ennuis s’accumulent pour l’Auzonnet avec le changement climatique. « En hiver, il y a 60 ans, il y avait 40 à 60 centimètres de neige, assure Maxime. Aujourd’hui, faute de neige, il y a un manque d’eau au printemps, qui s’aggrave en été avec la sécheresse. » La rivière, en ce matin du mois d’août, n’est plus qu’un lit de pierres colonisé par des plantes terrestres, et ça aussi c’est un problème : « Plus les plantes poussent, plus les racines se développent et plus elles retiennent l’eau. Donc ça va s’enchaîner et petit à petit, il n’y aura plus rien… »
« Un jour, il n’y aura plus rien »
Pour ne rien arranger, les « épisodes cévenols », ces orages à la violence décuplée par la température élevée de la mer Méditerranée à la fin de l’été, font des dégâts considérables, charriant des branches et des pierres qui formeront des barrages naturels avec la baisse du niveau de la rivière, empêchant l’eau de passer. Et ne parlons pas des touristes ! « Sans penser à mal, relève Vincent, qui alerte depuis un mois sur l’état de la rivière, les vacanciers font des barrages de cailloux pour faire un plan d’eau, ou pour faire en sorte que le courant soit plus rapide pour les canoës. Le problème, c’est que l’eau se réchauffe, ce qui a un impact sur les poissons et sur tout ce qui vit dans l’eau. »
Les pécheurs sont les premiers témoins des désastres du changement climatique sur les rivières. Certains d’ailleurs pratiquent le no-kill ; ils relâchent les poissons qu’ils ont péchés. « J’ai peur qu’un jour, il n’y ait plus rien pour les générations futures, s’inquiète Louis. Elles auront le bruit de l’eau. C’est joli, hein… Regardez ces pauvres types, ils arrivent avec des bassines vides. On n’a rien pêché… »

Une goutte d’eau
Alors, on descend plus bas, où on a repéré des dizaines de petits poissons piégés dans une eau brunâtre. Le moral remonte. « Là, on peut en sauver beaucoup ! » Les sourires reviennent. « Et si le poisson se laissait faire ? S’il comprenait que c’était pour son bien ? » Chaussés de bottes ou de cuissardes, armés d’une épuisette, nos pêcheurs pêchent ce qu’ils peuvent. Les poissons sont stockés dans des seaux d’eau équipés d’un bulleur, une machine à faire des bulles et donc de l’oxygène. Mais pas trop longtemps.
Vincent avait repéré plus bas dans l’Auzonnet un plan d’eau, suffisamment profond pour que poissons tiennent jusqu’aux premières pluies. Il y verse la pêche miraculeuse ; une centaine de poissons qui retrouvent la liberté de nager dans une eau oxygénée. « On en a sauvé une partie, une infime partie, mais c’est déjà ça. » Une goutte d’eau, quand il en manque tant. Ici, on aimerait bien qu’il pleuve.
LA QUESTION DE LA SEMAINE
« Le 8 août, c’est la journée internationale des chats. Mais sont-ils vraiment menacés ? »
Menaçants, plutôt ! On vous a déjà parlé des chats serial killers, et en Pologne, l’Académie des sciences vient de classer les petits chats mignons dans la liste des espèces invasives : ils tuent chaque année, rien qu’en Pologne, 140 millions d’oiseaux. En Allemagne, dans une petite ville, près du Rhin, pour protéger trois couples d’oiseaux, des cochevis huppés, qui nichent au sol, c’est carrément le confinement pour les chats tout l’été. À part s’ils sont tenus en laisse. Les chiens rigolent.
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