2 avril 2024. Une écrivaine, chantre de l’Afrique, disparaît à 90 ans, dans le sud de la France, tandis qu’à 80 ans, une icône gabonaise de la chanson réapparaît sur scène, à Libreville, pour chanter le Dialogue national. Hommages...

Elle était une immense écrivaine. Française, de Guadeloupe, Prix Nobel alternatif de littérature 2018, Maryse Condé, disparue ce 2 avril 2024, à 90 ans, a beaucoup servi l’Afrique, dites-vous. Comment donc ?
Maryse Condé était Africaine, et pas seulement par la couleur de sa peau. Elle a tant aimé l’Afrique qu’elle lui a tout donné, et pas seulement des enfants. Elle a, dans son œuvre littéraire, célébré l’Afrique avec un talent peu égalé. Si, de son propre aveu, sa « vie rêvée » de romancière a été plus importante que sa vie réelle, l'Afrique a beaucoup compté dans sa vie, la rêvée, comme la réelle. Le roman en deux tomes « Ségou », du nom de la capitale de l’empire bambara, dans l’actuel Mali, a d’ailleurs souvent été comparé à « Roots », (Racines), de l’Américain Alex Haley, adapté à la télévision.
Avant « Ségou », paru en 1984, Maryse Condé avait, en 1976, traité de l’Afrique dans « Hérémakhonon », présenté comme la « rencontre impossible entre l'Afrique impénétrable, close sur elle-même, et une Antillaise cherchant un double passé ». Elle y trouvera, surtout, un monde ésotérique, où s’entrechoquent conflits, intrigues politiques et révolution. Au point qu’elle en vient à se demander : « Quel sens a ma présence ici ? Le soleil est immobile. Je suis venue chercher une terre non plus peuplée de nègres, mais de Noirs. C'est-à-dire que je suis à la recherche de ce qui peut rester du passé. Le présent ne m'intéresse pas. Mon entreprise est absurde. » Sa très belle plume a servi l’Afrique de ses origines, et ce continent, à jamais, lui est redevable.
Akendengué chante le Dialogue gabonais
Revenons, à présent, à Pierre-Claver Akendengué, apparu sur scène, ce 2 avril 2024, à bientôt 80 ans, à la cérémonie d’ouverture du dialogue national, au Gabon. Pourquoi parler de lui, plutôt que du dialogue lui-même ?
Sans doute parce que les prestations d’Akendengué sur scène campaient mieux l’objet de ce dialogue que tous les discours entendus. Ce poète, chantre du panafricanisme et de la liberté, a su, en deux chansons emblématiques, résumer toutes les frustrations des Gabonais, et énoncer leurs aspirations. En dépit d’une déficience visuelle persistante, il perçoit clairement les souffrances de son peuple, et les illusions que l’on devrait cesser de lui vendre. Il a invoqué Lumumba, Sankara, Martin Luther King, Che Guevara, Bob Marley, Malcom X, Steve Biko, Mandela, Cheikh Anta Diop, Kwame Nkrumah, ainsi que le Capitaine N'Tchoréré et une interminable liste de héros gabonais, dont Pierre Maboundou, Casimir Oye Mba, André Mba Obame, et la multitude, tombée pour la patrie.
C’est après cette litanie des saints qu’il a entonné : « Libérée, la liberté ! », comme un réquisitoire, dans cette salle où tous étaient loin d’être irréprochables.
Le général Oligui Nguema a, malgré tout, esquissé quelques pas de danse…
Toute l’assistance a dansé ! Y compris de possibles responsables des abus dénoncés dans la chanson. Se sont-ils seulement reconnus dans ces slogans creux raillés par les choristes ? « Santé pour tous ! » ; « École pour tous ! » ; « Habitat pour tous ! » ; « À manger pour tous ! » ; « Eau pour tous ! » ; « Électricité pour tous ! » ; « Travail pour tous ! » ; « La route pour tous ! » ; « Sécurité pour tous ! » ; « Liberté pour tous ! ». En chœur, tous ont repris le refrain : « Libérée, la liberté ! », tandis que Akendengué alignait quelques expressions aussi effroyables qu’édifiantes :« Faut pas parler, on est fichés » ; « le moral du cadavre », « la paix des cimetières »… Rien de plus attendrissant que d’entendre des politiciens qui, après avoir gouverné, joignent leurs voix aux récriminations du peuple qui les a subis, pour dénoncer… le ciel !
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