Ils gouvernent tous de la même manière, enchaînent plus ou moins les mêmes travers, et finissent, presque tous, poussés vers la sortie par la rue. Peut-être est-il temps, pour les Malgaches comme pour quelques autres peuples africains, de se montrer plus exigeants dans le choix de leurs dirigeants…

À Madagascar, Andry Rajoelina a eu beau congédier son gouvernement, cela ne semble pas suffire à calmer une opinion, qui appelle de plus en plus à sa démission. Outre la paupérisation généralisée, le mouvement « Gen Z », la jeunesse en révolte, lui reproche les centaines de blessés et la vingtaine de manifestants tués durant la répression brutale. Mais que dire des accusations lancées par le président, sur une gigantesque cyberattaque orchestrée depuis l’étranger, et qui viserait à le renverser, avec la complicité de politiciens malgaches ?
Dans leur exaspération face à l’incurie de certains de leurs dirigeants, il arrive de plus en plus souvent aux populations d’exiger, en effet, la démission d’un chef d’Etat qu’ils jugent responsable de leurs malheurs, sans que cela résulte nécessairement d’une vaste conspiration ourdie de l’étranger. Que ses adversaires politiques profitent du mécontentement général est d’une évidence qui ne devrait point surprendre Andry Rajoelina, au regard du chemin tortueux qui l’a mené, lui-même, au pouvoir. Après tout, si son pays a une telle expertise en matière d’interruption brutale des mandats présidentiels en cours à partir de la rue, c’est en partie grâce à lui.
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De tous les peuples africains qui ont renoué avec la démocratie formelle au tournant des années quatre-vingt-dix, les Malgaches ont été, en 1996, les premiers, en Afrique, à destituer, par une procédure régulière d’impeachment, un chef d’Etat en fonction, le professeur Albert Zafy. Beaucoup prédisaient alors à cette démocratie une trajectoire exemplaire. C’était sans compter sur les politiciens pressés, tel Andry Rajoelina, habiles à instrumentaliser la rue, pour s'en faire une courte-échelle vers le pouvoir.
La dureté de la vie, comme les coupures d’eau et d’électricité dont se plaignent ces jeunes ne sont-elles pas le lot de très nombreux Africains ?
À des degrés divers, oui. Mais, en écoutant leurs griefs, on se demande quels travers de ses infortunés prédécesseurs Rajoelina n’a pas reproduits. Mais il est dans le déni, et sa prestation télévisée de ce jeudi trahit juste une cécité et une surdité propres à conforter ceux qui l’accusent de gouverner moins pour son peuple que pour lui-même et une oligarchie aux réflexes de bourgeoisie comprador. De tout temps, ce type de régime a fini mal. Il faut juste espérer que cela n’entraine pas encore plus de violence, encore plus de blessés, et toujours des morts.
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Il vient un temps où tout peuple enchaînant à un tel rythme des dirigeants aussi décevants a le devoir, impérieux, de redéfinir les critères de sélection de ceux à qui il confie son destin. Cela est valable pour les Malgaches, valable aussi pour tous les Africains.
À ce point ?
Pourquoi se voiler la face ? Au regard de la facilité avec laquelle on peut prétendre à la magistrature suprême dans de nombreux Etats, la moitié, au moins, des pays africains peut aisément échouer, demain, entre les griffes de dirigeants douteux, voire dangereux. Dès lors qu’ils peuvent disposer d’importants moyens financiers, margoulins et autres faussaires peuvent, à coups de messages sur-mesure et de promesses intenables, abuser de la crédulité de populations déjà à bout de souffle. Face à eux, la poignée d’hommes politiques sérieux qu’il reste a peu de chance, surtout s’il tente de persuader les populations de la nécessité de travailler dur, pour construire un destin national viable.
Dans les véritables démocraties, à l’approche des grandes échéances, les journalistes questionnent le parcours des prétendants. Certes, quelques imposteurs parviennent à se faufiler entre les mailles du filet. Mais la plupart sont démasqués et doivent jeter l’éponge, avant qu’il ne soit trop tard. En 2017, en France, François Fillon avait dû sortir du jeu, pour un péché qui, dans bien des pays africains, aurait paru véniel.
Dans une démocratie solide, en dehors du discrédit, les incidences de l’accession au pouvoir de dirigeants douteux sont atténuées par la solidité des institutions. Dans une Afrique fragile, de telles erreurs sont un passif, dont l'apurement, parfois, peut condamner toute une nation à végéter longtemps.
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