Nous parlons de la situation des journalistes et des blogueurs en Égypte alors que deux d’entre eux viennent d’être arrêtés dans ce qui est la troisième prison au monde pour les journalistes.

Loin derrière la Chine et juste après l’Arabie saoudite, l’Égypte est le pays qui compte le plus de journalistes détenus, 31 selon RSF, qui recense deux nouveaux venus dans les prisons égyptiennes : Amer Abdel Moneim, rédacteur en chef du quotidien Al-Shaab, et le blogueur Shady Abou Zeid. Les chefs d’inculpation sont révélateurs de ce régime répressif : le premier est accusé de « diffusion de fausses nouvelles » et de « participation à des activités terroristes », le second de « diffamation contre le ministère de l’Intérieur » après une vidéo satirique piégeant des policiers.
Ce n’est pas un hasard si le prix de l’indépendance 2020, décerné par RSF, a été décerné à une femme journaliste (elles sont de plus en plus nombreuses à être emprisonnées dans le monde), et qui plus est à une journaliste égyptienne. Son nom ? Lina Attalah. C’est elle qui a cofondé le journal en ligne Mada Masr, Masr comme le nom de domaine de l’Égypte. Lina Attalah dirige un site réputé pour son indépendance, mais qui voit son accès coupé en Égypte depuis trois ans.
C’est à l’image d’un pays qui a voté en 2018 des lois sur les médias et les cybercrimes, qui autorisent l’emprisonnement des journalistes et la fermeture des sites indépendants. Au nom de la lutte contre le terrorisme et les frères musulmans, plus de 500 sites ont été bloqués depuis l’été 2017. RSF rappelle que des journalistes passent des années en détention provisoire sans être jugés, quand d’autres subissent de lourdes peines dans des procès iniques.
Sous Abdel Fattah Al Sissi, les médias sont tous passés entre les mains du pouvoir, et de simples messages sur les réseaux sociaux peuvent conduire à la prison. Il n’y a pas que l’information sur la politique ou l’armée qui est sous surveillance. Les sujets économiques le sont aussi dans la mesure où ils révèlent parfois de la corruption ou de l’inflation non maîtrisée. Quant aux journalistes étrangers, ils peuvent être aussi inquiétés, comme le montre le décès pour cause de Covid, quelques jours après sa sortie de prison, d’un collaborateur d’Al Jazeera.
La pandémie est bien sûr un motif supplémentaire pour accuser de fake news toute information alarmiste. De cela, le président Macron aurait pu s’entretenir avec le maréchal Sissi lors de sa visite à Paris le 7 décembre. Mais le chef d’État français a préféré faire de la liberté de la presse et de caricature une tradition bien de chez nous, tout en occultant autant que possible les images officielles de la visite de son hôte égyptien. La liberté d’expression est, faut-il le rappeler, l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme.
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