Friedrich Merz, nouveau patron des chrétiens-démocrates allemands
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Friedrich Merz a pris officiellement les rênes du parti chrétien-démocrate allemand. Réunis en congrès à Hanovre, en cette fin de semaine, les délégués de la CDU ont confirmé le vote des militants, qui lui avaient accordé 62,1 % des voix contre ses deux autres rivaux, Norbert Röttgen (25,8 %) et Helge Braun (12,1 %). Après cette victoire sans appel, Friedrich Merz, l’« anti-Merkel », entame un mandat en promettant une « opposition constructive » à la coalition gouvernementale.

Sa ténacité et sa persévérance ont fini par payer. Friedrich Merz aura quand même attendu son heure pendant plus de vingt ans. Évincé, sans ménagement de la tête de son groupe parlementaire par Angela Merkel, en 2002, il avait quitté la scène politique en 2009, avant d’y revenir près d’une décennie plus tard. Entretemps, le géant sec de 1,98 m a fait fortune dans la finance, notamment au sein du gestionnaire d’actifs BlackRock.
En 2018, lorsque la chancelière commence à préparer son départ, Friedrich Merz fait son retour, porté par l’aile conservatrice de la CDU, plaidant pour un changement au sein de sa formation politique. Mais il lui faudra s’y reprendre à trois fois, pour être élu à la présidence du Parti chrétien-démocrate. « Il s’en est fallu du départ d’Angela Merkel, pour qu’il accède à ces nouvelles fonctions de président de la CDU », constate Étienne Dubslaff, maître de conférence en civilisation allemande à l’université Montpellier 3. Le nouveau mode de désignation, par les militants, a largement contribué à sa victoire sans appel. « Ces militants sont nettement plus à droite que les notables du parti. Ils soutiennent un modèle plus libéral en matière économique et sociale, et plus conservateur au plan sociétal, autrement dit tout l’inverse de ce vers quoi Angela Merkel avait porté son parti ».
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La chancelière partie, ses poulains écartés, Friedrich Merz « tient enfin sa revanche », affirme le politologue allemand Werner Patzelt, proche de la CDU. « Il succède à sa rivale politique de toujours, Angela Merkel. Mais beaucoup dépendra de sa capacité à dépasser ce sentiment de vengeance et d’accepter de jouer son rôle de chef de parti, qui implique aussi de coopérer avec les proches de l’ancienne chancelière ». Frank Baasner, directeur de l’Institut franco-allemand de Ludwigsburg, estime que le nouveau patron de la CDU « va régler ses comptes personnels ». Mais il devra, avant tout, sortir des pratiques de l’ère Merkel, « qui consistaient à occuper le terrain du milieu et, avec une grande crédibilité, s’asseoir un peu à gauche un peu à droite ». Il ne pourra plus continuer dans cette voie, car c’est désormais le SPD et le chancelier Scholz qui « incarnent cet esprit-là ».
Représentant de la droite ultralibérale
Originaire de l’ouest de l’Allemagne, catholique, Friedrich Merz s’est spécialisé dans le droit avant d’entrer, jeune, en politique. À 34 ans, il est élu eurodéputé. Bon orateur, bon débatteur, il a été chef du groupe CDU au Bundestag entre 2000 et 2002, lorsque le parti était dans l’opposition.
À 66 ans, le nouveau parton des chrétiens-démocrates, représentant de la droite ultralibérale, tente de donner aujourd’hui l’image d’un rassembleur, se disant prêt à travailler avec toutes les tendances du parti. Très critique de la politique qu’il jugeait trop centriste d’Angela Merkel, opposé à l’accueil des réfugiés en 2015, il a tenu, ces dernières semaines, un discours d’apaisement. Mais il est souvent décrit comme peu apte à travailler en équipe. « C’est quelqu’un de tranchant », souligne Etienne Dubslaff. « Là où Angela Merkel était quelqu’un de relativement rond, qui cherchait à contourner les conflits et à trouver des compromis, il est beaucoup plus rentre-dedans. Cela peut plaire à une base qui se trouvait un peu orpheline et estimait que les idées conservatrices et libérales n’avaient pas été suffisamment défendues par la chancelière ».
Pour tenter de sortir son parti de l’ornière, après la débâcle aux législatives de septembre, le nouveau chef de l’opposition chrétienne démocrate va devoir donner une ligne claire. Le parti va-t-il connaître un recentrage vers la droite ? Sera-t-il tenté d’aller chasser l’électorat du parti d’extrême droite AFD ? Frank Baasner en doute : « Je pense plutôt qu’il va tenter de retrouver une crédibilité par des convictions profondes et une vision de la société qui ne soit pas la même que celle des sociaux-démocrates et des Verts ». Il pourrait aussi jouer la carte libérale, selon le directeur de l’Institut franco-allemand de Ludwigsburg : « Les chrétiens-démocrates ont toujours été crédibles dans la défense de la logique de marché, même s’il s’agit plutôt d’une économie sociale, et Friedrich Merz ayant fait carrière dans le privé, il sera crédible ».
Vers de l’ouverture ?
Si elle penchait trop à droite, la CDU pourrait avoir du mal à s’allier, plus tard, à d’autres partis, note pour sa part Etienne Dubslaff. « Le parti libéral, son allié naturel, fait actuellement chose commune avec le SPD et les Verts. Il n’y a donc plus de parti de centre droit dans l’opposition. Si la CDU se retrouvait seule à droite, elle pourrait avoir du mal à trouver des alliances qui pourraient la faire revenir au pouvoir », estime le maître de conférence en civilisation allemande à l’université Montpellier 3.
Dans son discours de remerciement après le vote des militants, le nouveau patron de la CDU a laissé entendre qu’il ferait preuve d’ouverture. « Il doit aussi tenir compte de l’opinion publique, qui, en Allemagne est influencée par les journalistes. Or, les trois quarts d’entre eux défendent des positions écologistes et sociales-démocrates », analyse Werner Patzelt. « C’est pourquoi, s’il veut travailler avec l’opinion publique et ne pas être mis sur la touche, il doit montrer qu’il n’est pas un simple conservateur de droite, mais une personne centriste, plus ouverte d’esprit ».
Souvent présenté comme misogyne, Friedrich Merz a choisi une jeune mère de famille, Christina Stumpp, élue du Bade-Wurtemberg, pour devenir vice-présidente. L’ancien avocat d’affaires a aussi désigné Mario Czaja, 46 ans, représentant du courant social du parti, comme secrétaire général de la CDU.
Friedrich Merz passera un premier test grandeur nature dès le mois de mars avec l’élection régionale de Sarre, un Land dirigé aujourd’hui par la CDU en coalition avec les sociaux-démocrates.
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