Européen de la semaine

Robert Habeck, champion allemand de la transition énergétique

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Il devait faire de son ministère le haut lieu de la lutte contre le réchauffement. Mais en février dernier, la guerre en Ukraine a changé la donne… Robert Habeck, vice-chancelier allemand en charge de l’Économie et du Climat, a dû trouver à la hâte des alternatives au gaz russe tout en demandant à ses concitoyens de réduire leur consommation d’énergie. Malgré ce double défi, il est devenu en quelques mois seulement le ministre le plus populaire d’Allemagne, éclipsant largement le chancelier socialiste Olaf Scholz.

Le ministre allemand de l'Économie et du Climat, Robert Habeck, prononce un discours lors d'une session du Bundestag, la chambre basse du Parlement allemand, à Berlin, le 17 mars 2022.
Le ministre allemand de l'Économie et du Climat, Robert Habeck, prononce un discours lors d'une session du Bundestag, la chambre basse du Parlement allemand, à Berlin, le 17 mars 2022. © AFP/Tobias Schwarz
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La nouvelle a fait l’effet d’un coup de tonnerre en Allemagne, l’un des pays européens les plus dépendants du gaz russe. Ce vendredi 17 juin, la Russie annonce qu’elle va baisser de 40 % ses livraisons de gaz vers l’Allemagne… Robert Habeck dénonce aussitôt, derrière les motivations techniques avancées par la Russie, une raison purement politique. « Il ne faut pas se faire d’illusions, nous sommes dans une épreuve de force entre les alliés occidentaux et la Russie », assène le ministre allemand de l’Économie et du Changement climatique. « La décision de baisser les livraisons de gaz, Poutine la prend de manière arbitraire c’est comme ça que les dictateurs et les despotes agissent. »

À 52 ans, l’ancien romancier, entré tardivement en politique est devenu le ministre le plus populaire d’Allemagne. Nommé en décembre dernier à la tête d’un super ministère de l’Économie et du Climat, Robert Habeck éclipse totalement le chancelier social-démocrate Olaf Scholz. « Il soigne son côté “cool” en se faisant prendre en photo, assis par terre, travaillant sur son ordinateur sur le quai d’une gare, ou bien en sautant sur une table devant des ouvriers d’une raffinerie dans l’est de l’Allemagne, raconte Paul Maurice, du Comité d’études des relations franco-allemandes à l’IFRI (Institut français des relations internationales). Il a aussi une image décontractée, loin du traditionnel costume-cravate. »

À cette image décontractée vient s’ajouter un sens du compromis aiguisé et un réalisme politique qui séduit les électeurs allemands. « Il vient d’une famille qui était conservatrice à l’origine et lui appartient plutôt à l’aile qu’on appelle réaliste chez les Verts, c’est-à-dire qu’on considère parfois en France comme l’aile droitière des Verts, celle qui est prête à gouverner et qui d’ailleurs l’a amené à devenir ministre. »

80 % d’énergie renouvelable en 2032

Nommé pour mener la bataille de la transition énergétique, Robert Habeck voit ses plans chamboulés par la guerre en Ukraine. En deux mois, il fait baisser de 50 à 35 % la part de gaz russe consommée par l’Allemagne. Pour ce faire, il va au Qatar et aux États-Unis pour y commander du gaz liquide, et lance la construction de nouvelles infrastructures gazières sur les côtes allemandes. Des décisions plutôt difficiles à accepter pour les Verts allemands. « On est obligé quand même d’aller de nouveau demander des énergies fossiles dans le Proche-Orient, ce n’est pas du tout quelque chose qui est écologiquement sensé », soupire l’eurodéputée franco-allemande Anna Deparnay-Grünenberg. On a certains forages et certaines anciennes structures qu’on allait fermer et qu’on va être obligé de remettre en marche dans certaines zones protégées, par exemple au bord de la côte allemande. Et c’est vrai que ça nous fait tous très mal au cœur… »

Mais, paradoxalement, la guerre en Ukraine va conforter les écologistes allemands… en démontrant l’absolue nécessité de s’émanciper des énergies fossiles. « Avant, nous étions quasiment les seuls à dire que le fait d’aller vers un monde 100 % renouvelable était non seulement un enjeu écologique, mais aussi un enjeu de sécurité », souligne Anna Deparnay-Grünenberg. Avec la guerre en Ukraine et bien sûr les sanctions, que nous avons soutenues, il a fallu revoir toutes les décisions quant à l’approvisionnement énergétique et donc on a vraiment démontré que les enjeux économiques, écologiques et de sécurité étaient intrinsèquement liés. »

Robert Habeck et les écologistes allemands n’ont pas renoncé à la transition énergétique – très loin de là. Et pour se passer du nucléaire, toujours tabou outre-Rhin, ils parient sur les éoliennes qui devront couvrir 2 % du territoire d'ici à 2032, et assurer 80 % de la production d’électricité à la même date.

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