Alexander Van der Bellen, le «papy écolo» réélu à la tête de l’Autriche
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Il y a six ans, il l’avait emporté de justesse face au candidat d’extrême droite. Cette fois, c'est dès le premier tour, avec plus de 56% des voix, qu’Alexander Van der Bellen a été réélu. Un succès électoral qui vient confirmer l’immense popularité de ce « papy écolo » dans une Autriche secouée par les scandales politiques.
Le grand âge d’un homme politique est parfois considéré comme un handicap face aux électeurs. Mais Alexander Van der Bellen, à 78 ans, en a fait un véritable argument de campagne. Avec une image rassurante, celle d’un grand-père attentif à ses concitoyens, qui a sans doute contribué largement à sa réélection dès le premier tour, le 9 octobre dernier, avec 56% des voix. « Il incarne une figure paternelle et rassurante, explique Dorit Geva, professeur de sociologie politique à l'Université d’Europe centrale à Vienne. Il enseignait l’économie à l’Université de Vienne et certains l’appellent encore "le Professeur". Il a donc cette aura du maître vénérable qui entre dans la salle de cours. Il incarne l’autorité, mais une autorité rassurante. »
Et cette autorité rassurante a fait merveille durant les six dernières années, marquées en Autriche par des scandales politiques à répétition. En six ans, le pays a connu six gouvernements différents, et dans la tourmente, Alexander Van der Bellen a été perçu comme un point d’ancrage. « C’est quand même le premier président dans l’histoire de la Seconde République qui a dû prendre en main le "vaisseau Autriche" au moment d’une grande instabilité, rappelle l’historien Jérôme Segal, maître de conférences à la Sorbonne et spécialiste de l’Autriche. « Il a dû mettre en place un gouvernement d’experts et ce n’était pas gagné d’avance parce que cela aurait pu éventuellement susciter un vote de défiance. Et il a donc été effectivement très rassurant pour la plupart des Autrichiens. »
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Point d’ancrage
Autre point fort pour cet écologiste pro-européen : sa capacité à rassembler les Autrichiens, quelle que soit leur famille politique. « C’est quelqu’un d’assez mesuré qui n’a jamais eu de propos trop véhéments et il a su aussi rallier à lui une partie traditionnelle de l’Autriche, décrypte Jérôme Segal. Il a fait par exemple une campagne axée sur la patrie, sur le "Heimat", un terme difficile à traduire, mais qui relève à la fois de l’amour de la patrie, du lieu de naissance et de la culture locale. Ce faisant, il a été capable de rallier des conservateurs. Et puis, comme il est issu des Verts, il a aussi facilement l’oreille des gens qui votent plutôt à gauche. »
Hors période de crise, le rôle du président autrichien est essentiellement protocolaire. Ce qui n’empêche pas Alexander Van der Bellen de marquer ses convictions par certains gestes très calculés. « Il l’a montré cette semaine en se rendant à Bruxelles », relève Dorit Geva. « La tradition en Autriche veut que le président nouvellement élu fasse son premier déplacement en Suisse, parce que depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les deux pays sont neutres, et qu’ils se considèrent comme les "deux petits voisins" qui se soutiennent mutuellement. Mais il a rompu avec la tradition et s’est rendu à Bruxelles pour signifier ses convictions européennes. Ainsi, sans faire de grands discours, il fait de petits gestes qui indiquent ses positions politiques et ce qu’il veut pour l’Autriche. »
Un rempart contre l’extrême droite
Pour de nombreux Autrichiens, Alexander Van der Bellen, c’est aussi et avant tout l’homme qui a battu in extremis l’extrême droite, en 2016, à l’issue d’une élection présidentielle très disputée… Le FPÖ rêvait d’une revanche six ans plus tard, mais son candidat n’a obtenu que 17% des voix, bien loin des résultats espérés. Alors qu’en Italie ou en Suède, l’extrême droite est à son apogée, en Autriche, c'est un recul très net dans les urnes qui est observé. Même s’il est considéré comme le meilleur « rempart » contre l’extrême droite autrichienne, le mérite n’en revient que partiellement à Alexander Van der Bellen : le FPÖ paie surtout son implication dans le scandale retentissant de l’« Ibizagate », en 2019. Le chef du parti d’extrême droite, Heinz-Christian Strache, alors vice-chancelier, avait été contraint de démissionner après avoir été filmé en train de proposer des marchés publics à une pseudo nièce d’oligarque russe. « L’extrême droite ne s’est pas encore remise de ce scandale, conclut Jérôme Segal. Elle a tenté de reprendre la main en surfant sur le mouvement anti-vaccination, qui est très fort en Autriche, mais elle n’y est pas parvenue. Pour l’instant, l’extrême droite ne se relève pas encore… Mais on ne peut pas savoir de quoi l’avenir sera fait. »
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