Petteri Orpo, le modéré obligé de s’allier à l’extrême droite
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Depuis le 20 juin dernier, la Finlande a un nouveau Premier ministre en la personne de Petteri Orpo. Le président du parti de la coalition nationale, le Kok, après avoir remporté d’une courte tête les élections législatives, a formé un gouvernement de coalition avec, notamment, la participation de la deuxième formation du pays, les Vrais Finlandais, formation d’extrême droite qui a obtenu 20,05% des voix. Dans ce pays qualifié de pays le plus heureux au monde depuis plus de cinq ans, les choses devraient très rapidement changer avec la présence de l’extrême droite dans le gouvernement formé par cet homme politique qui se présente comme un conservateur fiscal.

Il a gravi les échelons lentement, mais surement, lui qui a mis douze ans pour obtenir son diplôme universitaire. Petteri Orpo a toujours fait de la politique. Fils d’Hannu Orpo, homme politique et membre du parti de la coalition nationale, ce diplômé de l’Université de Turku, père de deux enfants, aujourd’hui âgé de 53 ans, est parvenu à remettre sur le devant de la scène l’une des plus vieilles formations politiques du pays, le Kok, et ce malgré le fait qu’il ne bénéficie pas véritablement de charisme. « Petteri Orpo n'a pas été jusqu'ici une figure dominante de son parti et de la vie politique. C'est plutôt quelqu'un qui a fait sa carrière dans l'ombre de figures plus proéminentes. Je pense notamment à l'ancien Premier ministre Alexander Stubb ou au président de la République actuel, explique Cyril Coulet, spécialiste des pays nordiques et ancien chercheur à l’Institut suédois de relations internationales. C’était en fait toujours un peu le deuxième couteau qui a été projeté sur le devant de la scène à la faveur de la campagne électorale où cette fois, son heure est venue. Ce n’est pas une personnalité extrêmement charismatique et c'est d'ailleurs un élément assez étonnant devant le contraste entre, finalement, la personnalité de l'ancienne Première ministre, Sanna Marin et la personnalité de Petteri Orpo. Donc, on revient en fait sur un profil, je dirais plus classique dans la vie politique finlandaise », conclut le spécialiste.
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Une alliance contre-nature
Ce modéré, qui se présente comme un conservateur fiscal, a certes remporté les élections, mais a dû composer - entre autre - avec la deuxième force politique du pays, le parti d’extrême droite des Vrais Finlandais, pour parvenir à mettre en place une coalition. Une décision un peu contre-nature comme l’explique Louis Clerc, professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Turku en Finlande : « En 2017 par exemple, il a insisté sur les valeurs qui le liaient au parti social-démocrate et sur le fait que le parti des Vrais Finlandais, donc ce parti d'extrême droite, ne représentait pas ses valeurs. Et aujourd'hui en 2023, il a besoin des Vrais Finlandais pour créer un gouvernement et donc il les prend dans ce gouvernement, précise Louis Clerc. Donc c'est aussi quelqu'un qui, comme un peu partout en Europe, est le représentant d'une droite plutôt de centre droit qui est prise en otage par l'extrême droite et la droite, plus conservatrice, qui monte dans les sondages. »
Un partenaire un peu encombrant
Petteri Orpo doit donc revoir ses ambitions sur certains dossiers, notamment l’immigration. Un dossier sur lequel les Vrais Finlandais ne sont pas près de revoir leur position. « Il y a en tout cas une contrainte liée à l'exercice de la coalition, sachant qu'en plus de ça, le parti des Vrais Finlandais a déjà fait l'expérience de la coalition avec un gouvernement de centre-droit qui avait résulté en une scission très forte à l'intérieur du parti. Et le parti des Vrais Finlandais, qui a connu un déclin électoral, a connu une renaissance à travers une nouvelle radicalisation, détaille Cyril Coulet. Je pense que le parti des Vrais Finlandais tient une ligne radicale dont il ne souhaite pas dévier et a la possibilité de contraindre ses partenaires de coalition à adopter eux-mêmes une ligne peut-être plus dure que celle qu'ils avaient envisagée de prendre précédemment. »
Des tensions en ligne de mire
Les quatre années à venir s’annoncent donc compliquées pour Petteri Orpo estime Louis Clerc, pour qui cette coalition très hétéroclite et bancale pourrait bien ne pas aller au terme de son mandat. « Il y aura très probablement des dissensions à l'intérieur de ce gouvernement. Et en particulier entre deux parties qui sont le parti d'extrême droite des Vrais finlandais et le Parti du Peuple suédois, qui est un parti plutôt du centre et qui représente la minorité suédophone du pays. Une formation qui a des options en termes, en particulier, de mœurs et d'immigration complètement différentes du parti des Vrais Finlandais. Je pense que les difficultés vont surtout être entre ces deux formations politiques. »
Petteri Orpo va donc devoir jongler avec ses différents partenaires pendant les quatre prochaines années. Et s’il parvient à tirer son épingle du jeu, il pourrait bien enfin devenir une figure proéminente de son parti et s’inscrire dans la durée à la tête du gouvernement finlandais.
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