Européen de la semaine

Elly Schlein, l’anti-Meloni et nouvelle figure de la gauche italienne

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Âgée de 37 ans, bisexuelle assumée, Elly Schlein a remporté dimanche dernier les primaires du Parti démocrate italien. Elle est désormais amenée à remettre sur les rails une gauche italienne en crise identitaire depuis des années et pourrait bien faire de l’ombre à la cheffe du gouvernement Giorgia Meloni, d’extrême droite, qui représente tout son opposé.

La dirigeante nouvellement élue du Parti démocrate (PD) Elly Schlein réagit lorsqu'elle rencontre le dirigeant sortant Enrico Letta au siège du parti à Rome, Italie, le 27 février 2023.
La dirigeante nouvellement élue du Parti démocrate (PD) Elly Schlein réagit lorsqu'elle rencontre le dirigeant sortant Enrico Letta au siège du parti à Rome, Italie, le 27 février 2023. REUTERS - GUGLIELMO MANGIAPANE
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(Rediffusion du 5 mars 2023)

On la présente souvent comme l’anti-Meloni, comme l’avait écrit en 2022 le magazine américain Vanity Fair. Elly Schlein a su s’imposer à la tête du Parti démocrate face à un ténor de cette formation politique grâce aux votes des sympathisants. Née à Lugano en Suisse, à la frontière avec l’Italie, d’un père américain et d’une mère italienne, le nouveau visage de la gauche italienne détonne dans le panorama politique italien. C’est en tout cas l’avis de Giuseppe Bettoni. « Elly Schlein est un personnage qui sort vraiment d'une manière soudaine dans le paysage politique italien, estime ce professeur de géopolitique à l’université Tor Vergata de Rome et à l’université Jean-Jaurès de Toulouse. C'est quelqu'un qui a toujours été sensible au côté social, politique, etc. sans faire le parcours classique des autres personnages. Et c'est une grande nouveauté qui avait attiré les Italiens par cette figure. Donc, c'est un profil qu'on n’imaginerait pas ».

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Un engagement en politique avec Barack Obama

Très engagée socialement, mais aussi politiquement dès son plus jeune âge, Elly Schlein s’est lancée en politique à l’étranger. « Elle a fait ses premières armes véritablement en politique à Chicago aux États-Unis, dans le cadre des campagnes pour les primaires démocrates en 2008 en faveur de Barack Obama, détaille Hervé Rayner, spécialiste de l’Italie contemporaine et professeur à l’Institut d’études politique de l’université de Lausanne. Elle remet ça en 2012 pour la réélection du président sortant Obama ».

De retour en Italie, elle devient membre du Parti démocrate avant de le quitter, ne le jugeant pas suffisamment à gauche. Élue en 2014 députée européenne, elle continue de graviter autour de cette formation politique en perte de vitesse. Nommée vice-présidente de la région d’Emilie-Romagne en 2020 par Stefano Bonaccini, son adversaire lors de la primaire du Parti démocrate italien qu’elle vient de remporter, Elly Schlein commence alors son ascension et se fait connaître des électeurs italiens, notamment en déclarant sa bisexualité lors d’une émission télévisée. Une orientation qu’elle dit assumer pleinement, tout comme son positionnement en faveur des migrants.

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À la tête d’un parti en crise identitaire

Élue députée en septembre dernier, elle se positionne ensuite pour prendre les rênes du Parti démocrate. Un parti qui doit retrouver son identité. « C’est un parti qui est encore à la recherche de son projet, de comprendre vers quoi se battre, estime Giuseppe Bettoni. Il y a une fracture déjà aujourd’hui qu’elle devra réconcilier. Rappelons-le : les cellules du Parti démocrate avaient une préférence pour Stefano Bonaccini, alors que les primaires – c’est-à-dire les élections où la base peut voter, plus les gens qui ne sont pas inscrits au Parti démocrate – ont clairement donné Elly Schlein secrétaire. Cela veut dire qu’il y a une fracture. »

Désormais à la tête de cette formation, Elly Schlein va certainement lui donner une orientation plus à gauche, ce qui a déjà provoqué le départ de certains membres du parti. Mais ce virage est également attendu par nombre d’électeurs italiens. « Certains parlent d’un rebond de l’intérêt, de nouvelles inscriptions au parti dans le sillage de ces primaires, indique encore Hervé Rayner. Ce qui est sûr, c’est qu’elle a beaucoup d’atouts pour incarner la nouveauté. Elle est la première femme à la tête de ce parti. Sa jeunesse – 37 ans – la rapproche aussi de Giorgia Meloni. Il y a aussi le fait qu’elle vienne de la base étudiante "mouvementiste" du parti. Ça change beaucoup des secrétaires assez âgés ou alors positionnés au centre. En cela, c’est en quelque sorte un tournant. »

Elly Schlein, l’anti-Meloni, bisexuelle, pro-migrants, en faveur des droits de la communauté LGBT+, va devoir s’atteler à la tâche tout de suite, car des élections européennes se profilent. Celles-ci pourraient bien confirmer son statut de leader de la gauche dans la classe politique italienne ou alors y mettre un terme si le Parti démocrate ne franchit pas la barre des 20% des suffrages. Même si, selon Giuseppe Bettoni, celui-ci n’a aucun intérêt à écarter la nouvelle égérie de la gauche.

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