Marinika Tepic, fer de lance de l'opposition en Serbie
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Elle est en soins intensifs après une grève de la faim. En Serbie, Marinika Tepic est devenue l’égérie de la contestation des élections législatives du 17 décembre. La cheffe de l’opposition au président Vucic est l’Européenne de la semaine sur RFI. Marinika Tepic a choisi un moyen radical pour se faire entendre.

Marinika Tepic a cessé de s’alimenter pendant près de deux semaines. On l’a vue très affaiblie, monter sur l’estrade du grand meeting organisé samedi dernier dans le centre de Belgrade. Ovationnée par les milliers de personnes descendues dans la rue pour demander la tenue de nouvelles élections.
Notre envoyée spéciale Jelena Tomic a pu la rencontrer à la veille de cette manifestation dans son bureau. Elle lui a demandé ce qui l’a poussée à mettre sa santé en danger : « Ce n’est pas un acte de désespoir ou d’impuissance, ni de rage ou de déception. C’est un combat, le seul qui me donne le sentiment d’être vivante et de faire tout ce qui est en mon pouvoir pour que les gens de bonnes intentions nous aident. Nous appelons les pays membres de l’UE à nous aider à former une commission au niveau du Parlement ou de la Commission européenne afin d’effectuer un audit complet du processus électoral qui nous permettra d’organiser d’ici cinq ou six mois de nouvelles élections dans de bonnes conditions. »
Les élections du 17 décembre ont été entachées de fraudes, constatées aussi par les observateurs internationaux. Des bourrages d’urnes, des listes électorales trafiquées ou encore des achats de voix. Certains habitants racontent ne pas avoir pu voter à distance, car quelqu’un l’avait déjà fait à leur place. Mais le président Vucic, au pouvoir depuis 2014, reste inflexible.
Un visage bien connu des Serbes
Avant de devenir la tête de liste de l’opposition, Marinika Tepic a eu une autre vie. Elle a été journaliste. Après un rapide passage comme enseignante, elle a travaillé douze ans pour la radio et pour plusieurs journaux. La communication, elle connaît. À 49 ans, cette mère de deux enfants est un visage et une voix connue des Serbes. Pour Nikola Burazer, directeur du think tank Centre for Contemporary Politics basé à Belgrade, elle a réussi à devenir le symbole du ras-le-bol d’une partie des Serbes : « Elle est évidemment une des figures de l’opposition depuis plusieurs années. Elle a dirigé le mouvement de colère contre les violences aux dernières élections. Et le sacrifice qu’elle a fait avec sa grève de la faim a vraiment ému beaucoup de monde dans le pays. Ça lui a donné une image de moralité et une place clé dans l’opposition. On peut s’attendre à ce qu’elle joue encore un grand rôle cette année. »
Surtout, Marinika Tepic a su profiter de la vague d’émotion et de colère qui a suivi les deux tueries de masse dans des écoles serbes : 17 morts au total. Un tournant pour le pays selon Nikola Burazer : « C’est un moment clé pour briser l’apathie de la population. Parce que les Serbes sont longtemps restés passifs face à l’État. Les fusillades ont mobilisé les gens pour dénoncer un statu quo inacceptable. Ces drames ont donné naissance à une coalition d’opposition qui est de loin la plus forte depuis l’arrivée au pouvoir du président Vucic. Et cette coalition a réalisé le meilleur score pour une opposition. »
Quel débouché politique ?
Cela fait dix ans qu’Aleksandar Vucic dirige le pays. Et il ne veut rien lâcher. Et l’opposition a encore beaucoup de chemin à faire avant d'espérer changer la donne. Un conseiller politique de la région ne voit aucun débouché politique à cette contestation, l'opposition est encore trop faible. Mais pour le chercheur Nikola Burazer, le véritable test pour l'opposition pourrait être les prochaines élections locales : « Qu’importe ce qu’il se passe après ces législatives. Des élections locales dans la plupart du pays doivent avoir lieu au printemps prochain. On va rapidement rentrer à nouveau dans une nouvelle campagne et ce sera l’occasion de se relancer pour l’opposition. »
D'ici là, l'opposition va continuer à tenter d'alerter les Européens, bien silencieux depuis le début de la contestation. Et puis aussi continuer à occuper la rue. L'opposition appelle à une manifestation le 13 janvier. Marinika Tepic pourrait y faire son retour après son hospitalisation.
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