Autriche: Martin Sellner, un représentant de la droite identitaire très propre sur lui
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Les Allemands se mobilisent contre l’extrême droite, après la révélation de la tenue d’une réunion d’extrémistes à Potsdam, à laquelle ont participé des membres de l’Alternative pour l’Allemagne (AfD). Parmi les hôtes : l’Autrichien Martin Sellner venu présenter son « concept de remigration », un projet d'expulsion massive de personnes étrangères. Cofondateur du Mouvement identitaire autrichien, il est devenu une figure influente des droites radicales germanophones.

Martin Sellner a les airs de hipster : coupe de cheveux stylisée, mèche tombant à droite, souvent souriant et toujours impeccable, qu’il soit rasé de près ou arborant une barbe de trois jours. Fils d’un médecin homéopathe et d’une professeur d’anglais, qui a grandi dans la banlieue de Vienne, le jeune homme de 35 ans est titulaire d’une licence de philosophie et n’a pas achevé ses études de droit, selon le Spiegel. « Il représente cette nouvelle génération de militants d'extrême droite qui présente bien. On est très loin de l'image classique du militant d'extrême droite, au crâne rasé, arborant des tatouages, un bomber en cuir et la croix gammée, tatouée sur le bras », note Gilles Ivaldi, chargé de recherche CNRS au CEVIPOF, spécialistes des partis de droite radicale.
Martin Sellner donne l'image d’un jeune Européen, polyglotte, très classique. Il est marié à Brittanny Pettibone, une blogueuse californienne, égérie de la droite alternative américaine, qui compte 175 000 abonnés sur sa chaîne YouTube. Avec sa jeune épouse, toujours bien maquillée et parfaitement coiffée, il est le visage plutôt avenant du mouvement identitaire. Dans sa façon d’être, « il participe de la stratégie de l’extrême droite qui avance de plus en plus masquée, qui tente de cacher au maximum tous les marqueurs et les symboles de l’extrême droite traditionnelle », estime Gilles Ivaldi.
Génération identitaire
En 2016, dans un entretien à CNN, en très bon anglais, Martin Sellner se présentait en 2016 comme « patriote et pas néo-nazi ». « En tant que militant patriotique, auteur et journaliste, je défends la vérité et la résistance, la théorie et l'action », annonce-t-il sur son site internet.
Il a pourtant frayé avec ce mouvement dès son plus jeune âge, rappelle Jérôme Segal essayiste et historien franco-autrichien : « il est assez rapidement attiré par le milieu néonazi. Il est proche d'un célèbre néonazi autrichien Gottfried Küssel. Déjà à l'âge de 17 ans, il va coller des croix gammées sur une synagogue. Il est condamné à 100 heures de travaux d’intérêt général », énumère le maître de conférences à Sorbonne Université et spécialiste de l’extrême droite à Vienne.
S’inspirant de la branche française de Génération identitaire, dissoute en 2021, accusée par le gouvernement de provocations à la haine et à la discrimination, il cofonde la branche autrichienne du mouvement. Invité à l’université d’été des jeunes identitaires français, il confiait dans un entretien filmé y avoir trouvé « une grande inspiration ».
Liens avec le tueur de Christchurch
Luttant contre l'immigration, l'islamisation et la mondialisation, Martin Sellner s’inquiète du « grand remplacement » causé par les musulmans en Europe. Ce concept, développé en France par l’écrivain et philosophe Renaud Camus, avait été repris par le tueur de Christchurch, en Nouvelle-Zélande, en 2019. Avant d’assassiner 51 personnes dans deux mosquées, Brenton Tarrant avait entretenu une correspondance avec Martin Sellner et lui avait fait un don de 1 500 euros, ce qui lui avait valu d’être inquiété par la justice autrichienne pour « participation à une organisation terroriste ». L’enquête avait été classée sans suite en 2021. Aujourd’hui, le militant extrémiste autrichien est frappé d’interdiction de séjourner au Royaume-Uni et aux États-Unis pour des raisons de sécurité publique. L’Allemagne réfléchit à en faire de même depuis la réunion de Potsdam.
Le mouvement identitaire autrichien ne compte aujourd’hui qu’une poignée de membres, « leur nombre est estimé entre 500 et 600 », précise Jérôme Segal. Mais Martin Sellner jouit d’une audience sur les réseaux sociaux, même s’il a été banni des principales plateformes telles que YouTube, Facebook, X ou Spotify. Sur Telegram, il compte actuellement 58 000 abonnés sur sa chaîne en allemand et 2 000 sur la chaîne en anglais. Il cultive surtout des liens avec le parti d’extrême droite autrichienne FPÖ et avec l’AfD allemande. « Cette petite galaxie d'extrême droite sur Internet est influente dans le sens où elle infuse et donne des idées, des thématiques à des partis qui, eux, sont influents et qui se trouvent sur le devant de la scène », souligne Gilles Ivaldi.
Selon une étude du think tank ECFR (Conseil européen pour les relations extérieures), « les partis de la droite populiste anti-européenne arriveront en tête dans au moins neuf États membres de l'UE » lors des élections européennes de juin, dont la France, l'Autriche, la Belgique, l'Italie et les Pays-Bas. Pour les législatives de septembre 2024, le FPÖ autrichien est crédité de 30 % des intentions de vote.
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