Grand reportage

Présidentielle en Colombie: la gauche favorite malgré les a priori

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Partons ce matin en Colombie pour le Grand reportage du jour. Le pays andin enchaîne les gouvernements à majorité conservateurs de droite ou extrême droite depuis des décennies. Mais, cette année, les choses pourraient changer. Depuis la dernière élection présidentielle de 2018, la gauche a le vent en poupe notamment avec le candidat Gustavo Petro. Il est suivi par la jeunesse colombienne qui exige le changement et l’amélioration des conditions de vie dans le pays. Le pays est donc tiraillé entre l’enthousiasme pour le changement et la peur historique de la gauche.

Gustavo Petro, pré-candidat à la présidentielle colombienne pour le parti politique Colombia Humana et la Coalition du pacte historique, s'adresse à ses partisans lors du rassemblement de clôture de la campagne à Cali, en Colombie, le 5 mars 2022.
Gustavo Petro, pré-candidat à la présidentielle colombienne pour le parti politique Colombia Humana et la Coalition du pacte historique, s'adresse à ses partisans lors du rassemblement de clôture de la campagne à Cali, en Colombie, le 5 mars 2022. © LUIS ROBAYO/AFP
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Trop de candidats, des débats dispersés, des partis et coalitions politiques en conflit interne. Pour les Colombiens, la campagne électorale est difficile à suivre. Pourtant, cette année, ils doivent élire leurs représentants au Congrès et leur nouveau président. Alors lorsqu’on les interroge sur leurs intentions de vote dès ce dimanche 13 mars pour le Congrès, les réponses sont très nuancées.

Juan Toro confie être confus. Ce trentenaire, professeur de natation et administrateur d'entreprise, a du mal à suivre tous les candidats. Mais il a bien vu la percée de la gauche dans les sondages. « Le candidat de la gauche, Gustavo Petro, tente sa chance depuis plusieurs années. Il est très présent dans le paysage politique. Je pense que les gens sont fatigués d’avoir les mêmes dirigeants au pouvoir depuis des décennies. Ils veulent du changement et peu importe le changement. Je crois que Gustavo Petro a su profiter de ces attentes et qu’il défend bien ses idées. »

Sa voisine sexagénaire, Alicia Echeverri, avoue qu’elle n’est pas sûre d’aller voter. « On n’y fait plus attention, car on est fatigués des mensonges et des promesses en l’air. J’hésite vraiment à aller voter. Je ne vois aucun bon candidat. On entend que Petro par-ci, Petro par-là. Et qu’on va finir comme le Venezuela. C’est terrible. On a même peur à l’idée que Petro puisse gagner. Je dirais même que pour ça, on devient méfiant. Mais en même temps, si on ne vote pas, il gagnera plus facilement. »

Une droite affaiblie

Pour l’instant, Gustavo Petro reste le favori des sondages au premier et au second tour de l’élection présidentielle. Le soutien des jeunes serait l’un de ses atouts. Mais la Colombie est-elle réellement prête pour ce changement ? D’après le professeur et politologue français Yann Basset qui enseigne les sciences politiques depuis plus de 15 ans en Colombie, la droite est aujourd’hui affaiblie « Cette élection arrive après un gouvernement de droite très impopulaire et un mouvement de grogne sociale sans précédent en Colombie. La pandémie a aussi aggravé les inégalités et la pauvreté. Les Colombiens veulent du changement. Tout est possible. Cette élection est pour la première fois depuis longtemps très ouverte. »

D’après le politologue, malgré les critiques et son histoire, Gustavo Petro reste pour l'instant le favori, car « c’est la seule candidature consolidée ». Quant à la comparaison avec le Venezuela, Yann Basset y voit une stratégie politique visant à discréditer la gauche. « C’est un argument de campagne. Il est vrai que tous les partis de gauche ont eu des liens avec le chavisme. Mais il est très difficile que cela se reproduise en Colombie. Tout est différent : le pays, le style politique, même Gustavo Petro et ses propositions. »

Une autre critique poursuit aussi le candidat favori : son passé de combattant du M19, une guérilla qui a pris part au conflit armé dans les années 1970. Luz Maria Munera, la candidate du Pacte historique, le parti que représente Gustavo Petro, pour la chambre des représentants au Congrès, défend son candidat : « Et comment on construit la paix alors ? Pour moi, c’est un exemple. Petro a montré à la société qu’on peut avoir fait la guerre, décider de construire la paix, et de faire de la politique de manière décente. On a besoin aujourd’hui, que tous ceux qui sont encore dans cette guerre, dans le conflit armé suivent le même chemin que Petro. C’est un exemple qu’il faut applaudir. Et aujourd’hui, il sera probablement le prochain président du pays. »

Accélération de la campagne électorale

Au siège du parti Pacte historique, les équipes sont à pied d’œuvre. La campagne s’est accélérée et il y a beaucoup de rendez-vous à programmer. Roy Barreras, le chef des débats parlementaires et représentant du parti, nous explique que la gauche ne peut pas perdre cette année.

« Il y a seulement deux choses qui peuvent empêcher la gauche de gagner ou de gouverner. Tout d’abord, s’ils tuent le candidat. C’est déjà arrivé dans l’histoire de la Colombie, car nous avons ici des forces obscures du narcotrafic et du paramilitarisme qui veulent détruire Gustavo Petro. La seconde chose : c’est la fraude. Éviter cette fraude dépend notamment des ONG internationales que l’on sollicite. C’est la première fois en 200 ans que la Colombie peut avoir un gouvernement de gauche accompagné par une coalition de centre. C’est possible, car il y a une vague de la gauche qui grandit en Amérique latine. »

Pour le moment, l’heure est à la tournée des villes colombiennes et des débats entre candidats pour poursuivre la campagne électorale. Dimanche 13 mars et le 29 mai, 39 millions de Colombiens sont appelés à voter. L’abstention élevée des dernières élections sera sûrement décisive.

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