Charles Michel : «Je ne crois pas que ce soit la fin du libre-échange»
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Cette semaine, nous accueillons Charles Michel, ancien président du Conseil européen et ancien Premier ministre de la Belgique. Ambitions climatiques, relations transatlantiques et renforcement de la défense : il commente les dossiers brûlants de l’actualité européenne.

En amont de la Conférence des Nations unies sur le climat (COP30) au Brésil, les Vingt-Sept se sont entendus sur un objectif de réduction, d’ici 2040, de 90% de leurs émissions de gaz à effet de serre par rapport aux niveaux de 1990. À l’horizon 2035, ces émissions devront être comprises dans une fourchette de -66,25% à -72,5% par rapport à 1990. Un accord arraché in extremis alors que certains pays réticents à la transition écologique comme l’Italie ou la Pologne sont parvenus à obtenir plus de flexibilité. La position de l’UE est jugée trop peu ambitieuse par les défenseurs de l’environnement.
Charles Michel, ancien président du Conseil européen de 2019 à 2024, tempère ces critiques : «Les Européens sont extrêmement ambitieux, à la fois sur les objectifs qu'il faut atteindre mais aussi en termes de solidarité avec les pays en développement. Il faut soutenir les capacités des pays en développement pour qu’ils aient accès aux technologies afin de surmonter ensemble ce défi climatique.»
Il demande une simplification des régulations : «Je comprends que les chefs d'État et de gouvernement fassent preuve de prudence. [...] La mise en œuvre des mesures a conduit à alourdir considérablement la bureaucratie sur le dos de nos entreprises. Cela a handicapé la capacité de nos entreprises à innover et à se déployer. Je pense que les États membres sont aussi échaudés par la manière dont la Commission européenne propose une régulation tout à fait excessive et veut absolument tout réguler. [...] Nous pouvons totalement concilier l'ambition de réussir à faire reculer cette menace climatique tout en simplifiant nos régulations.»
«L’UE a manqué de vigueur dans la défense des intérêts européens»
Un an après la réélection de Donald Trump à la tête des États-Unis, les relations avec l’Union sont toujours aussi tumultueuses. D’un point de vue commercial, les droits de douane supplémentaires imposés par l’Administration américaine sur les exportations européennes sont jugés par certains comme désavantageux pour les Vingt-Sept. Charles Michel, également ancien Premier ministre de la Belgique et issu du parti libéral fustige l’action de l’Union : «Je vois une espèce d'effondrement face aux États-Unis et c'est une claque.»
«Ces derniers mois, elle a manqué de vigueur dans la défense des intérêts européens. Elle a manqué de vigueur dans les efforts d'émancipation par rapport aux États-Unis et en termes de réformes nécessaires pour plus de compétitivité.» Malgré un durcissement des tarifs douaniers, il ne «croit pas que ce soit la fin du libre-échange».
«Ne pas se comporter en instruments des États-Unis»
Alors que les États-Unis et la Chine négocient une trêve commerciale, notamment en matière de droits de douane, Charles Michel s’inquiète de voir l’UE «instrumentalisée par les États-Unis qui l’utilisent dans [sa] compétition et [son] combat contre la Chine». «Il y a deux options possibles : soit cette compétition entre la Chine et les États-Unis escalade au point qu'il y ait un conflit grave dont nous paierons les conséquences, soit il y a un accord entre la Chine et les États-Unis et nous en paierons aussi les conséquences.»
Il appelle les dirigeants européens à agir : «Je ne sais pas ce qu'il faut de plus à un certain nombre de leaders européens pour comprendre que nous devons développer une stratégie européenne fondée sur nos propres intérêts.» Il prône ainsi de maintenir des liens avec la Chine pour contrer les États-Unis : «Nous avons des différences majeures avec la Chine mais nous avons un certain nombre de rapprochements sur les sujets globaux, comme le climat par exemple. La Chine investit beaucoup en matière de climat et met en place la tarification du carbone. C’est le même modèle que nous avons mis en place sur le plan européen. Les États-Unis ne font pas ça.» Charles Michel souhaite que l’UE négocie âprement «pour trouver des compromis et pas simplement se comporter en instruments des États-Unis dans leur compétition avec la Chine».
«Nous avons besoin de plus de souveraineté européenne»
En outre, le président américain demande aux Européens d’investir davantage dans leur défense et souffle le chaud et le froid en ce qui concerne son soutien financier et militaire à l’Ukraine. «Nous avons besoin de plus de souveraineté européenne. Nous avons besoin d'investir dans la sécurité et la défense, en plus des efforts nécessaires pour consolider notre base économique», juge l’ancien président du Conseil européen.
Très critique envers la Commission, il dénonce le fait qu’elle sorte de son rôle en s’occupant des questions de défense, une compétence généralement attribuée aux États : «La Commission européenne n'a évidemment pas la légitimité démocratique pour s'occuper des questions de paix et de sécurité.»
«Il est salutaire de voir les leaders européens très unis»
De multiples survols de drones présumés russes ont récemment eu lieu dans l’espace aérien européen. Une démarche qui vise, selon l’ancien président du Conseil, «à tester la solidité de l'UE et de l'Alliance transatlantique». «Il est salutaire de voir les leaders européens très unis. C'est un élément qui me rend optimiste. [...] L’alliance transatlantique est aujourd'hui remise en cause par les États-Unis.» Sur ce sujet également, Charles Michel déplore les décisions de la Commission : «Ils sont dans une espèce de déni et mettent trop de temps pour résister à la manière dont les États-Unis nous traitent.»
«Le sujet pour notre génération, c'est comment transmettre à nos enfants un continent européen qui est stable, prospère et qui offre des opportunités. Pour cela, il y a des décisions courageuses à prendre aujourd'hui et pas après-demain», conclut-il.
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