Voyez la porte dérobée, asseyons-nous dans le réfectoire. La pièce borde la buanderie, il y fait bon. La table est grande, plusieurs filles peuvent s’asseoir, se retrouver, échanger. Sur la table, rien de très compliqué ou luxueux, des minestrones, des gnocchi, des pâtes aux haricots : une cuisine simple et nourrissante pour préserver la bonne santé des femmes de la maison. À Milan, Gênes ou Naples : la matrone y est attentive, la réputation de son établissement. Le soin apporté à la cuisine a d’ailleurs retenu l’attention de Madame Cora, matrone d’une maison rue du moulin à Paris, lors de son voyage en Italie en 1929, pour découvrir les établissements, à l’invitation d’un fasciste de la première heure et patron de nombreuses maisons : Cesare Albino Bianchi.

À l’occasion de cette « tournée » exploratoire organisée pour une délégation française, dans le but de monter un large réseau de prostitution en Europe, Madame Cora, la seule femme de cette délégation notera tout et glanera, au fil des six semaines de voyage, 34 recettes qui donnent quelques indices sur la vie dans ces maisons. Paradoxalement, les filles dans ces maisons mangent à leur faim.
Dans son livre La cuisine des maisons de plaisir italiennes, Alessandra Pierini nous propose une plongée dans le monde parallèle des maisons closes, juste avant leurs interdictions, et apporte quelques réponses sur ces femmes, fantasmées et captives, objets des États, leurs conditions de vie, à cette époque bien particulière de l’entre-deux guerres, à l’orée de l’avènement du fascisme, des années folles et insouciantes en France, avant le Krach boursier de 1929. Un livre riche, passionnant, étonnant, singulier, documenté, qui sait redonner vie à chacune des pensionnaires.
« Que c’est triste, une maison ouverte »
Avec Alessandra Pierini, passionnante passionnée de gastronomie et d’histoire, longtemps épicière – c’est à elle que Paris doit d’avoir goûté le vrai goût des produits italiens – autrice aux éditions de l’Épure de La cuisine des maisons de plaisir italiennes, avec Stéphane Solier de Pellegrino Artusi, La science en cuisine et l’art de bien manger, et de plusieurs titres dans la collection « 10 façons » notamment le dernier Le cédrat, 10 façons de le préparer.
Le carnet de recettes a été publié pour la première fois en 2004 par le libraire, éditeur et collectionneur Giuseppe Zanasi, partagé au libraire Vittorio Maltoni. Aux éditions de l’Épure, Alessandra Pierini l’a enrichi, contextualisé, augmenté et apporté un ton entre le livre policier et le roman. Un trésor !

Pour aller plus loin
- Vous entendez dans l’émission la lecture d’un texte du peintre Toulouse-Lautrec. Ce dernier vivait dans les maisons closes, y compris à La fleur blanche, au 6 rue des Moulins, la maison de Madame Cora.
- Maisons closes de 1830 – 1930 de Laure Adler
- Nana d'Émile Zola
- Les misérables de Victor Hugo
- Aux belles poules : une ancienne maison close aux fresques redécouvertes en 2020 et transformée en lieu de conférence, de réception et d’événementiels.
- Maison close : la série TV de Jacques Ouaniche produite par Canal+
► Programmation musicale
« 22:23 » de Polo & Pan
« Tulipan » de Trio Lescano
Pasta e Fagioli – pâtes aux haricots
Une recette issue du cahier de recettes de Madame Cora, contextualisée et retravaillée par Alessandra Pierini, éditée aux éditions de l’Épure.
Prenez 800 g de haricots borlotti frais, une pomme de terre de 160 g, 80 g de lard, 40 g de beurre, une pincée de persil, un bout de céleri et de carotte, 1 cuillère à soupe de coulis de tomate, du bouillon maison (2 litres de bouillon de légumes salé).
Écossez les haricots, épluchez la pomme de terre, et faites-les cuire environ une heure.
Pilez le lard avec un peu de romarin, faites-en une pâte, déposez-le dans une casserole avec le beurre et faites-le dorer.
Ajoutez les légumes hachés, le coulis et le bouillon. Dès que le bouillon commence à bouillir, plongez-y les pâtes – 800 g de fin de sachets de pâtes, spaghetti coupés et autres de restes de pâtes toutes formes confondues.
Faites-les cuire le temps indiqué.
Dolci alla fragola
500 g de fraise, 150 g de sucre, 4 blancs d’œuf
Écrasez les fraises à travers un tamis ou une passoire à l’aide d’une spatule. Dans un bol résistant à la chaleur, mélangez la purée obtenue avec le sucre, ajoutez deux blancs d’œufs et fouettez pour obtenir une mousse légère. Ensuite, incorporez les deux autres blancs montés en neige bien ferme. Remplissez une casserole d’eau, portez à ébullition. Placez le bol avec l’appareil au-dessus de la casserole et faites cuire au bain-marie. Une fois la cuisson terminée, répartissez dans six bols, laissez refroidir à température ambiante et placez au réfrigérateur deux heures.
Servez avec une chantilly, quelques morceaux de fraises fraiches et un peu de menthe.

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