Photo trafiquée et manipulation politique au profit de l’extrême droite
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La photo a été prise lors des manifestations anti-passe vaccinal de la mi-janvier à Paris et montre plusieurs centaines de personnes faire un geste qui avait tout l'air d'un salut nazi. Le cliché est devenu viral sur les réseaux et a beaucoup choqué, au point de déclencher un signalement à la justice par la préfecture de police. L'affaire a finalement été classée sans suite. Mais elle a aussitôt été récupérée par l’extrême droite.

C’est l’exemple type de la photo piège. Le cliché, pris lors d'une manifestation contre le passe vaccinal, montre une foule bras tendus, façon « salut nazi », derrière une banderole et un drapeau marqué de la croix celtique, symbole que des groupuscules nationalistes, néofascistes se sont appropriés depuis longtemps.
Il s'agit en réalité d'une capture d’écran, issue d’une vidéo qui montre tout autre chose. Le groupe vêtu de noir filmé dans Paris ce jour-là avance en frappant dans les mains et tendant les deux bras. Ce que l’on appelle un « clapping ». Ce sont les supporters de foot islandais qui ont initié cette pratique dans les stades.
Et d’ailleurs, quand on les voit faire, les supporters ne tendent pas les bras vers l’avant, mais plutôt sur les côtés. Par ailleurs, la photo est floutée, de sorte que l’on ne voit pas les visages, et que l’on ne voit pratiquement qu’un seul bras tendu, ce qui laisse immédiatement penser au salut nazi, même si cela ne correspond pas à la réalité du geste filmé.
La récupération par l’extrême droite
Florian Philippot, leader du parti Les Patriotes et candidat à la présidentielle, très actif dans cette mobilisation contre le passe vaccinal, a tweeté la vidéo montrant le clapping et reproché au ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin d’avoir menti en relayant la photo. C’est en effet le ministre qui a requis un signalement en justice, se disant choqué par cette image.
Le résumé de la scène par Florian Philippot est néanmoins également trompeur. « Taper dans les mains et crier liberté ! Voilà ce qu’il y avait sur la photo floue de M. Darmanin », écrit Florian Philippot sur Twitter.
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L'ancien numéro 2 du FN oublie le sigle que l’on voit en tête de ce cortège, généralement arboré par les groupuscules d’extrême droite parmi les plus violents, et le slogan sur la banderole : « Les libertés ne s’octroient pas, elles se prennent ». Une citation de Charles Maurras, le fondateur de l’Action française. Ce groupe créé à la fin du XIXe siècle en pleine affaire Dreyfus continue aujourd'hui de divulguer ses thèses ultranationalistes et antisémites.
La photo relayée sur Twitter a d’abord été publiée sur la messagerie Telegram, dans un groupe nommé « Ouest casual ». S’y expriment les membres de groupuscules dont certains ont été récemment interdits en France, Génération identitaire ou les Zouaves de Paris connus pour leurs actions violentes. Leur chef de file Marc Cacquerey-Valmenier était effectivement présent au rassemblement anti-passe à l’appel de Florian Philippot, alors qu’une mesure de contrôle judiciaire lui interdit de participer à toute manifestation depuis son implication dans les violences contre les militants de SOS racisme lors d’un meeting d’Éric Zemmour.
Manipulation évidente
On ne peut pas prouver que la photo a été retouchée intentionnellement afin de montrer un salut nazi, mais la façon dont a été pratiqué le floutage induit forcément en erreur. Un résultat qui ne semble pas gêner les auteurs de la publication sur Telegram, bien au contraire.
En scrutant les publications de ce groupe « Ouest casual », on tombe sur toutes sortes de symboles d’ultradroite tendance néonazie : croix gammées, croix celtiques, soleils noirs et même des représentations du Ku Klux Klan, venant de toute l’Europe.
Le groupe qui défile sous cette bannière ne cache pas ses sympathies. On note de surcroit la complaisance à leur égard des médias russes alternatifs RT news et Sputnik qui titre sur « Le double mensonge de Darmanin et de médias qui font passer les anti-pass pour des néonazis ». Alors qu’en réalité, il s’agit bel et bien de groupes extrémistes minoritaires, mais radicaux, ayant infiltré le mouvement anti-passe, comme ils avaient infiltré le mouvement des Gilets jaunes, pour des actions d’éclat, comme le saccage de l’Arc de triomphe en novembre 2018.
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