Les dessous de l'infox, la chronique

Crise ukrainienne et pandémie: la convergence des théories conspirationnistes

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Avec l'aggravation du conflit en Ukraine, un fort mouvement de soutien au peuple ukrainien s’exprime sur les réseaux sociaux, à l'exception des milieux pro-Poutine qui véhiculent de nombreuses théories complotistes. Qu’il s’agisse de la pandémie de Covid-19 ou de l'invasion russe en Ukraine, on retrouve souvent le même narratif et les mêmes acteurs derrière cette désinformation.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky lors d'une intervention filmée, le 25 février 2022.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky lors d'une intervention filmée, le 25 février 2022. © REUTERS/UKRAINIAN PRESIDENTIAL PRESS SE
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Les milieux complotistes affirment détenir la vérité sur le conflit en Ukraine, comme sur la pandémie de Covid-19. Une vérité très éloignée de la réalité factuelle. Ainsi, le président Volodymyr Zelensky, cible majeure de l’agression menée par Vladimir Poutine contre l’Ukraine, est également visé par les conspirationnistes. À contre-courant des vidéos que le président ukrainien diffuse en direct du terrain, les complotistes répandent un récit fictif selon lequel il aurait fui son pays depuis longtemps. 

Lui faisant porter la responsabilité des événements actuels, ils le présentent comme une marionnette du « deep state », l’État profond qui manipulerait les masses au profit d’une « élite mondialiste et corrompue ». Ce qui, à leurs yeux, justifie son élimination. Certains vont même jusqu’à nier le conflit et évoquent une mise en scène. La même trame est utilisée pour la guerre en Ukraine et la crise sanitaire. 

Le nouveau variant complotiste

En se penchant sur les acteurs qui participent à fabriquer et propager ces infox, on constate que ce sont les mêmes qui, depuis deux ans, désinforment sur la pandémie. Quand bien même ils l’admettent, ils en font une « plandémie », une pandémie planifiée et donc fabriquée par les puissants contre les peuples. Bill Gates, George Soros, les familles Rothschild et Rockefeller, sont accusés d’avoir utilisé le Covid-19 pour favoriser les laboratoires à leur profit. 

Au sujet de l'Ukraine, on assiste à une variante de cette théorie. Les complotistes affirment, en effet, que l’attaque russe vise, en réalité, à détruire de soi-disant laboratoires étasuniens présents sur le sol ukrainien. Ils s’appuient notamment sur deux cartes de l’Ukraine juxtaposées, censées prouver que l’invasion russe vise bien des laboratoires. L’une montre l’emplacement des frappes de l’armée russe, l’autre la localisation des prétendus laboratoires. 

Cartes assemblées sur les réseaux sociaux pour justifier cette théorie complotiste.
Cartes assemblées sur les réseaux sociaux pour justifier cette théorie complotiste. © Captures d'écran Twitter et Telegram /Montage RFI

Cependant, les points désignant les laboratoires ont été rajoutés sur une carte d’emprunt. Ils ne figurent même pas dans la légende originale. Un lien de causalité est établi par les internautes qui relaient ces cartes. Or, rien ne vient confirmer cette théorie, en plus de leur imprécision et de l’absence d’informations sur ces laboratoires. On remarque simplement que ce sont les principales agglomérations qui sont visées par les bombardements. Ce procédé d’assemblage d’images a pour but de marquer les esprits, en faisant passer un message fallacieux.

Propagande russe

Ces allégations sont répandues par les médias russes qui accusent régulièrement Washington d’élaborer des armes de guerre chimiques et biologiques, aux portes de la Russie. La thèse prétend aussi que l’ambassade des États-Unis en Ukraine a supprimé de son site web tous les documents qui permettaient de prouver son implication dans la fabrication de ces armes. Mais ces allégations sont mensongères. 

En réalité, il n'y pas de laboratoires étasuniens en Ukraine. Il y a uniquement des aides économiques, et des programmes de coopération entre les États-Unis et le ministère de la Santé ukrainien, notamment pour contrer les menaces épidémiques. Et rien ne prouve que ces laboratoires travaillent à la fabrication d'armes biologiques. Même les documents, à l’authenticité difficilement vérifiable, que les complotistes avancent comme des preuves n’en sont pas. Ils attestent seulement de l’aide financière apportée par les États-Unis aux laboratoires ukrainiens. 

Le rôle d'amplification des autorités

Le jeudi 3 mars, le ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a affirmé en conférence de presse, que le Pentagone avait « construit deux laboratoires chimiques à Kiev et Odessa, pour préparer des armes biologiques ». 

En fait, ces affirmations ne sont pas nouvelles de la part des autorités russes. À chaque montée de tensions entre l’Ouest et la Russie, l’accusation refait surface. Au moment de l’assassinat d’Alexandre Litvinenko en 2006, puis de l’empoisonnement de Sergueï Skripal en 2018, quand Moscou est suspecté, on assiste à un regain des campagnes de désinformation pour détourner l’attention. La méthode est documentée par le chercheur Milton Leitenberg, cité dans le Bulletin of the Atomic Scientists.

Complotisme et convergence

Les théories conspirationnistes sont, par nature, faites pour converger dans un narratif plus large. C’est une des caractéristiques même du complotisme. Ce récit utilisé par Poutine pour justifier sa guerre, et basé sur des fake news persistantes, est donc une aubaine pour les complotistes, notamment pour la nébuleuse Qanon. Les réseaux sociaux et la rapidité de circulation des infox ne font qu’amplifier le phénomène. 

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