Brésil: la manipulation des sondages, l’arme de désinformation du camp Bolsonaro
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Au Brésil, l'élection présidentielle se déroule ce dimanche 2 octobre. Le duel majeur oppose le président sortant d'extrême droite, Jair Bolsonaro, au favori Luiz Inácio Lula da Silva, l’ancien président figure de la gauche. Les électeurs sont appelés aux urnes dans un climat particulièrement tendu après une campagne minée par les infox. Cette désinformation passe notamment par la falsification des sondages.

Manipuler l’opinion publique grâce à des infox, c’est la stratégie adoptée par le camp pro-Bolsonaro. Leur outil fétiche, c’est le sondage trafiqué, voire créé de toutes pièces puis diffusé en masse sur les réseaux sociaux et les messageries comme Whatsapp ou Telegram. Ils cherchent ainsi à présenter faussement leur candidat, Jair Bolsonaro, comme le favori de cette élection.
L’utilisation des faux sondages
Ces faux sondages apparaissent souvent sous la forme d’un extrait vidéo ou d’une capture d’écran, prétendument tirée d’un média réputé. Cela permet de donner de la crédibilité à l’infox en trompant les internautes.
L’exemple le plus marquant est une vidéo extraite du journal télévisé national de la chaîne brésilienne Globo. Durant trois minutes, on voit les deux présentateurs commenter un sondage réalisé par l’institut brésilien Ipec. Infographies à l’appui, les deux journalistes avancent que Jair Bolsonaro enregistre 46% des intentions de votes pour le premier tour, loin devant Lula da Silva et ses 31%.
En réalité, le son de la vidéo ainsi que les illustrations ont été modifiés pour inverser les résultats. C’est Lula da Silva qui part favori, et non pas Jair Bolsonaro.

Pour découvrir la supercherie, il faut remonter à la source originelle. Face à ce montage fallacieux devenu viral, l’institut de sondage a réagi en publiant un démenti.
« La vidéo qui circule dans les réseaux sociaux et les groupes Whatsapp où le président Jair Bolsonaro apparaît avec 46% des intentions de vote et l’ancien président Lula, avec 31%, [...] est fausse. L’enquête montre le contraire. Ipec a dénoncé la vidéo au Système d’alerte de désinformation contre les élections de la Haute Cour électorale (TSE) et au Ministère public électoral (MPE) afin qu’ils adoptent les mesures appropriées. »
De nombreux autres faux sondages, plus ou moins bien falsifiés, circulent en ligne. En voici un autre, manipulant une nouvelle fois des images de la chaîne Globo et des statistiques de l’institut Ipec.

Certains ne s’appuient pas sur des sondages officiels et inventent tout simplement des résultats.
Le discours de la fraude électorale
Cette désinformation, qui cherche à faire croire que Jair Bolsonaro est favori, vise à mobiliser ses partisans et au contraire à décourager le camp adverse.
L’objectif, c’est aussi et surtout de préparer les consciences au discours de la pseudo fraude électorale. Jair Bolsonaro instille ce narratif depuis plusieurs années, à l’instar de Donald Trump aux États-Unis. S’afficher en tête des sondages, même fallacieusement, facilite par la suite la contestation des résultats.
Le président brésilien laisse entendre qu’il ne reconnaîtra pas la légitimité du scrutin s’il ne gagne pas. Ses militants, eux, n'hésitent pas à agiter le spectre d’une contestation violente en cas de défaite.
Le vote électronique ciblé par les infox
Ce narratif autour d’une prétendue fraude repose sur de nombreuses infox visant l’utilisation du vote électronique, comme souvent accusé de faciliter la triche.
Jair Bolsonaro s’y oppose, alors qu’il a été élu de cette manière en 2018. Au Brésil, le vote électronique est en place dans le pays depuis 1996. Aucune fraude n’a été constatée depuis. Au total, 577 000 machines à voter ultra sécurisées sont déployées dans le pays justement pour éviter toute fraude lors des dépouillements. Pour garantir l’intégrité du scrutin, 22 000 fonctionnaires, 3 000 femmes juges, 3 000 promoteurs électoraux et plus d’1,8 million d'agents électoraux sont mobilisés, précise la justice électorale.
Cela n’empêche pas Jair Bolsonaro et ses partisans de s’en prendre aux instances en charge de l’intégrité du scrutin. La stratégie est claire, enlever toute légitimité au vote et à ses acteurs pour s'opposer aux résultats.
La justice réagit
Face à ce flot massif d’infox, le Tribunal supérieur électoral a créé une section fact-checking sur son site internet. L’instance a notamment listé les fausses informations les plus persistantes, en rétablissant la vérité point par point. Une enquête a aussi été ouverte par la justice brésilienne le jeudi 29 septembre sur un document mensonger attribué au camp Bolsonaro qui dénonce fallacieusement des failles dans le système de vote.
Un système d'alerte pour déposer plainte face à ceux qui propagent ces infox a également été lancé.
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