Le discours de Poutine sur la dénazification de l'Ukraine à l'épreuve des faits
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Depuis le début de l'invasion de l’Ukraine, Vladimir Poutine ne cesse de justifier sa guerre par la volonté de « dénazifier l’Ukraine et le régime de Kiev ». En réalité, ni l’Ukraine ni son gouvernement ne sont dominés par l’idéologie nazie. Un discours fallacieux omniprésent sur les réseaux sociaux, appuyé par de nombreuses infox.

Vladimir Poutine l’a encore martelé lors de son discours annuel à la nation ce mardi 21 février, à Moscou : la Russie se bat pour « éliminer la menace que représente le régime néo-nazi qui a émergé en Ukraine en 2014 ». Le chef du Kremlin affirme ainsi que le peuple ukrainien serait « pris en otage » et que le rôle de la Russie serait de le libérer du joug nazi.
Régime démocratique loin de l’idéologie nazie
Ce récit dressé par le Kremlin est très loin de la réalité puisque le régime politique actuel de Kiev n’a rien à voir avec l’idéologie nazie. Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a été élu démocratiquement avec 73% des voix en 2019, loin devant le parti d'extrême droite, Svoboda, et ses 1,6%. Depuis dix ans, l’extrême droite ukrainienne recule dans les urnes. Elle est passée de 10% en 2012, à 6% en 2014, puis à 1,6% en 2019.
Pour dénoncer l’hypocrisie de ce narratif russe, Volodymyr Zelensky insiste sur ses origines juives, lui qui a perdu des grands-parents durant l’Holocauste.
Accusation diffusée à coup d’infox
Sur les réseaux sociaux, de nombreuses fausses informations circulent pour populariser et crédibiliser frauduleusement cette thèse d’un « régime néo-nazi ». C’est le cas d’une photo où l’on voit Volodymyr Zelensky offrir un drapeau ukrainien rapporté du front, au congrès américain. Certains affirment, en zoomant sur l’image, que ce drapeau arbore le signe nazi des SS.

Sauf qu’en réalité, l’image diffusée sur les réseaux a été volontairement inversée pour déformer l’écriture. Sur la photo originale, on constate qu’il est écrit le nombre 46, en hommage à la 46e brigade d'assaut aérien ukrainienne, et non pas le sigle SS.
L’armée ukrainienne n’est pas épargnée
À en croire la propagande russe, l’armée ukrainienne serait également dominée par « l’idéologie néo-nazie ». Là encore, Vladimir Poutine tord le cou à la réalité. Sa stratégie consiste à extrapoler le poids des bataillons militaires nationalistes, comme le régiment Azov, issu d'un bataillon fondé par un néo-nazi en 2014 puis intégré à la garde nationale ukrainienne à la suite des accords de Minsk.
Si le bataillon, de quelques milliers d’hommes, compte bien des membres adeptes de l’idéologie nazie, ils sont très largement minoritaires face aux plus de 200 000 soldats de l’armée ukrainienne, ce qui ne permet en aucun cas de parler d’une « armée de néo-nazis ».
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À noter que ce genre de bataillon existe aussi côté russe. C’est notamment le cas du groupe paramilitaire Wagner, dont le fondateur, Dmitri Outkine, arbore fièrement un tatouage SS dans le cou.
Stratégie de diabolisation
Pour diaboliser l’armée ukrainienne, la propagande russe cherche à lui attribuer faussement des symboles nazis. Un des exemples marquants est une photo du commandant en chef des forces armées ukrainiennes : Valerii Fedorovych Zaluzhnyi. Elle le montre avec un bracelet au poignet qui, selon certains, porterait une croix gammée.

En fait, après la vérification de nos confrères des Obs de France 24, il s’agit non pas d’une swastika, mais d’un simple nœud celtique, qui, vu de loin, peut porter à confusion. Une confusion entretenue volontairement par la propagande russe.
Comprendre cette rhétorique
Vladimir Poutine martèle cette rhétorique depuis le début du conflit avec une volonté : mobiliser son peuple derrière lui et justifier sa guerre.
Toute son idéologie repose sur la victoire de l’armée soviétique contre l’ennemi nazi lors de la seconde guerre mondiale. Agiter le spectre nazi à tort et à travers lui permet donc de faire resurgir les peurs du passé et d’unifier son pays.
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