Le déni de la sécheresse en France au cœur du discours climatosceptique

Des fleuves à sec, des nappes phréatiques en manque cruel d’eau, la sécheresse sévit toujours dans une bonne partie de la France. En ce début mai, près de 20 départements ont été placés en situation d’alerte. Et alors que l'été approche, la situation ne s’améliore pas. Sur les réseaux sociaux pourtant, certains s’affairent à remettre en cause l’existence même de cette sécheresse.

Contrairement à ce que certains affirment sur les réseaux, la sécheresse touche bel et bien une importante partie de la France. © Captures d'écran/ Montage RFI

Des cartes météos annonçant de fortes précipitations, des vidéos de routes inondées ou encore des photos de pelouses bien vertes. Sur les réseaux sociaux, ces publications sont massivement relayées ces derniers jours dans le but de nier l’existence de la sécheresse en France. Certains internautes prétendent, à tort, que l’épisode pluvieux qui touche l’Hexagone a mis fin à la sécheresse, où même que celle-ci n’a jamais eu lieu. 

La pluie n’empêche pas la sécheresse

En réalité, ce n’est pas parce qu’il pleut que le problème de la sécheresse est réglé. La France traverse actuellement une sécheresse hydrologique, c’est-à-dire que les nappes phréatiques manquent d’eau, leur niveau est trop bas. Si le retour de la pluie reste une bonne nouvelle, les précipitations ne suffisent pas à rattraper le retard accumulé cet hiver. À Marseille par exemple, le déficit pluviométrique atteint près de 90%. Un manque qui entraîne la mise en place de restrictions dans certains départements.

La carte indiquant les arrêtés liés à l'eau en France, à la date du 12 mai 2023. © Propluvia

Une sécheresse s’inscrit également dans le temps long. « Ce qui est très important à comprendre, c'est que la sécheresse n’est pas vraiment un phénomène météorologique. Cela s’inscrit dans une échelle de temps beaucoup plus longue. On parle de six mois, voire plus. Si on prend l'exemple de l’Espagne ou du Nord de l’Italie, le début de la sécheresse ne remonte pas aux derniers mois ou à l’année dernière, mais à 2017 », précise Davide Faranda, climatologue au Centre national de recherche scientifique (CNRS).

Une semaine de précipitations ne permet donc pas « de soigner une sécheresse ». « Pour avoir l’idée de ce qu’est une sécheresse, il faut imaginer un puits très profond, rempli d’eau, qui s’assèche progressivement. Quand bien même il pleut beaucoup, si le puits est sec, les précipitations ne vont pas permettre de retrouver le niveau d’eau initial », explique-t-il. 

La sécheresse, un phénomène voué à s’intensifier

À cela s’ajoute le fait que la plupart des pluies récentes sont de type orageuses. C’est d’ailleurs ce genre de précipitations que nous montrent en vidéo ceux qui nient l’existence de la sécheresse avec des rues inondées et des sols qui n'absorbent pas l’eau. Or ces pluies ne permettent pas de lutter efficacement contre la sécheresse.

« Les pluies orageuses ne sont pas très adaptées pour remplir les nappes phréatiques. Comme on le voit dans les vidéos partagées sur les réseaux sociaux, c’est de l’eau qui reste en surface, qui part dans les rivières puis dans la mer ou l'océan et n’a pas le temps de pénétrer en profondeur pour atteindre les nappes phréatiques », précise Davide Faranda.

Les scientifiques sont clairs sur la question, si on ne réduit pas les émissions de gaz à effet de serre, les sécheresses seront plus longues, plus intenses, et seront interrompues par des pluies diluviennes qui ne sont pas bénéfiques pour les nappes souterraines.   

Un narratif climatosceptique

En se penchant sur les profils de ceux qui relayent cette infox, on remarque qu’ils réfutent aussi l’existence du réchauffement climatique. Leur technique de désinformation consiste à isoler un événement, une forte pluie, ou des chutes de neige au mois d'avril par exemple, pour nier fallacieusement un phénomène plus large comme le réchauffement climatique ou la sécheresse. Leur volonté est de laisser croire, à tort et sans preuve, que les scientifiques et le gouvernement nous mentent.  

Certains internautes vont même plus loin en établissant un lien entre la sécheresse, la pandémie de Covid-19 et la guerre en Ukraine, en parlant de stratégie de la peur pour asservir les populations. Une convergence de fausses théories, caractéristique de la pensée complotiste.