Afghanistan: Eté 2021, le 15 août, retour au pouvoir des Talibans à Kaboul
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Quand l’histoire bascule, c’est une série spéciale de RFI. Tournant géostratégique, révolution technologique, effondrement politique, bouleversement culturel, « Quand l’histoire bascule », est une série spéciale de RFI. Jusqu'à vendredi prochain, on revient ensemble sur quelques événements majeurs qui ont fait basculer l’histoire du monde depuis 1945. Aujourd’hui, direction l'Afghanistan. Retour sur l'été 2021, la chute de Kaboul. Le 15 août, les Talibans faisaient leur retour au pouvoir.

C'était impensable encore quelques jours avant le 15 août. Mais c'est fait. Les Talibans ont pris Kaboul. Une quinzaine de combattants viennent d'entrer dans le palais présidentiel. Eux-mêmes n'ont pas l'air d'y croire. Le bâtiment est désert, ils poussent les portes des pièces vides, finissent par s'asseoir autour d'une table de réunion, posent leur kalachnikov devant eux, ajustent leur turban, lissent leurs longues barbes mal taillées et entonnent un champ religieux.
La chute de Kaboul, ce n'est pas une histoire sanglante. C'est l'armée afghane s'est rendue sans combattre et le président afghan, Ashraf Ghani, qui avait promis de rester coûte que coûte, s'enfuit aux Émirats arabes unis. Dans une allocution vidéo, il tente de se justifier. « Si je n'avais pas quitté le pays, dit-il, le président élu de l'Afghanistan aurait été pendu devant tout le monde. »
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Qu'importe, plus personne ne l'écoute depuis des années et les Afghans de Kaboul n'ont qu'une idée en tête, fuir, fuir le plus vite possible. L'aéroport, contrôlé par les Américains, devient le seul moyen de s'extraire d'Afghanistan. Et ces images font le tour du monde. Des centaines, des milliers d'hommes et de femmes littéralement accrochés aux avions de l'US Air Force en train de décoller. On se bat pour un billet, on se bat pour un siège, on se bat pour survivre. Récit de Sonia Ghazali, la correspondante de RFI en Afghanistan, sur le tarmac de l'aéroport de Kaboul.

« Une jeune femme en larmes était suspendue à son téléphone jusqu'au moment de l'embarquement. Toutes les femmes employées de l'aéroport nous suppliaient, en larmes, de les aider à partir, à quitter le pays. "Les talibans vont me tuer", nous disaient chacune d'elles. Et puis il y avait ce soldat en tenue sur le parking de l'aéroport de Kaboul. "J'ai honte de porter cet uniforme", nous a-t-il dit, ému et il a ajouté, "l'armée n'a pas su défendre notre pays". »
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L'évacuation ou la terreur talibane ? Pendant dix jours, des milliers de personnes vont se masser aux abords de l'aéroport dans des conditions humanitaires dramatiques, poussées, terrorisées, fouettées par des talibans incapables de maintenir l'ordre. Il n'y aura bien sûr jamais assez d'avions pour les emmener. Et les pays occidentaux vont laisser sur le carreau des milliers de femmes et de jeunes filles, des milliers de détenteurs de visas étrangers abandonnés à la merci du régime taliban.
Le 31 août, les derniers soldats américains quittent l'Afghanistan après vingt ans de présence dans le pays. C'est l'histoire d'un fiasco. Les États-Unis auront perdu près de 2500 hommes, dépensé des milliers de milliards de dollars et seront partis finalement par la petite porte dans la précipitation, laissant à la Chine et à la Russie la liberté de sceller des alliances et de faire du commerce avec les Talibans. Comme si rien ne s'était jamais passé. Le retrait américain signe la petite mort des interventions occidentales. Et envoie un signal désastreux aux ennemis de l'Amérique. Six mois plus tard, Vladimir Poutine déclenchera l'invasion de l'Ukraine.
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