Questions d'environnement

En quoi le changement climatique joue un rôle dans les conflits, en particulier au Sahel?

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Le Conseil de sécurité de l'ONU doit se réunir, ce mardi 21 novembre, avec à l'ordre du jour la situation sécuritaire au Sahel. Une réunion qui intervient alors que la région est en proie à l'instabilité politique et à une augmentation des conflits. Et entre autres causes de cette insécurité figure le changement climatique. Un fait souvent oublié par les autorités locales et la diplomatie internationale.

Un village bozo inondé près de Bamako à la suite des crues du fleuve Niger, en septembre 2018. (Image d'illustration)
Un village bozo inondé près de Bamako à la suite des crues du fleuve Niger, en septembre 2018. (Image d'illustration) © MICHELE CATTANI/AFP
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Le changement climatique frappe tout le monde, partout sur la planète. Pourtant, la situation est particulière au Sahel, car « sept familles sur dix dépendent de l'agriculture vivrière », explique le chercheur et membre du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec), François Gemenne. Or, lorsqu'on dépend entièrement de ce que vont donner les champs, on est aussi dépendant de la pluie et du beau temps.

Le changement climatique qui dérègle toute la météo promet donc à la fois des sécheresses plus fréquentes et plus longues, une saison des pluies décalée et des pluies soudaines et très intenses qui causent des inondations. Ces dévastations sont une des causes qui poussent les populations à quitter leur foyer et à migrer. Une question de survie.

Sécurité alimentaire

Au rythme actuel du changement climatique, la Banque mondiale chiffre à 86 millions le nombre de migrants climatiques potentiel en 2050 pour l’Afrique subsaharienne. Cela se conjugue avec la forte croissance de la population et les besoins en ressources qui augmentent et crée des tensions autour de l’usage des terres.

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Un exemple bien connu du phénomène au Sahel : les conflits entre éleveurs et agriculteurs. Les pâturages sont dégradés et ne sont plus suffisants pour nourrir tout le monde. Les troupeaux vont donc de plus en plus loin pour avoir de la nourriture ou de l'eau et dégradent au passage les champs. Un autre exemple est l’assèchement progressif du fleuve Niger. Il parcourt 4 180 km dans le Sahel et plus d’un million de personnes vivent de la pêche, de l’agriculture et de l’élevage juste dans le delta du fleuve.

Et cela risque donc encore de s'aggraver avec les perturbations du climat, la dégradation des sols et la perte du couvert végétal. En Afrique de l’Ouest, le nombre de jours de chaleur potentiellement létaux pourrait atteindre 100 à 250 jours par an pour un réchauffement climatique de 2,5°C, selon le dernier rapport du Giec. Des pertes de plus de 40% de la productivité des pâturages sont prévues pour l’Afrique subsaharienne occidentale en cas de réchauffement global supérieur à 2°C. Justement, selon les dernières données onusiennes, on se dirige vers un réchauffement compris entre + 2,5 et + 2,9 degrés d'ici à la fin du siècle.

Adaptation nécessaire

Selon François Gemenne, également codirecteur de l'Observatoire défense et climat piloté par le ministère des Armées en France, les dérèglements du climat et la pauvreté se conjuguent avec les rivalités ethniques ancestrales, la corruption ou l'impunité face à la justice et laissent un terrain propice à l'installation de groupes armés. « Dans des situations de tensions foncières pour l’usage et le partage des terres, ces tensions ont souvent lieu dans des zones qui sont peu ou mal contrôlées par l’État central et où le gouvernement est incapable de faire régner l’État de droit, et cette situation est mise à profit par les groupes terroristes comme Boko Haram, ou les États autoritaires comme la Russie avec le groupe Wagner », pour servir leurs intérêts.

Une des pistes pour aider à pacifier ou stabiliser le Sahel serait de mieux prendre en compte l'adaptation nécessaire au changement climatique. « Mais tout cela ne se décrète pas, réagit le chercheur. Il faut une structure de gouvernance efficace qui, parfois, n'existe pas dans certains pays. Et puis, il faut des fonds. Les pays riches renâclent à débloquer cette aide financière. » C'est un point de blocage d'ailleurs au sein des négociations internationales sur le climat qui promet encore d'être un sujet important à la COP28 qui s'ouvre la semaine prochaine.

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