Questions d'environnement

Pourquoi le gaz naturel est-il considéré comme une «énergie de transition»?

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Les ministres européens de l’Énergie se réunissent ce lundi 4 mars en Conseil. Parmi les sujets abordés, la proposition de la Commission européenne de prolonger l’objectif d’une réduction de 15% de consommation de gaz naturel décidé pendant la crise énergétique. L'ambition ? Maintenir la stabilité du marché. Cela doit aussi aider à réduire les émissions de CO2. Le gaz est considéré comme une énergie de transition par l'UE qui l'a inclus dans sa taxonomie verte. Mais en quoi l'est-il ?

Une installation de gaz naturel liquéfié.
Une installation de gaz naturel liquéfié. © Getty Images/Philipp Berezhnoy
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C'est une question de tempo car le développement des énergies renouvelables prend du temps. L'idée défendue à travers « l'énergie de transition » consiste à considérer que dans la mesure où se passer des énergies fossiles ne se fait pas en un claquement de doigt, autant utiliser celle qui a le moins d'impact sur l’environnement.

Et de ce point de vue, le gaz présente quelques avantages, explique Patrice Geoffron, professeur d'économie et directeur de l'équipe énergie-climat à Paris-Dauphine : « Lorsque l'on utilise du charbon comparativement à du gaz dans une centrale électrique, on émet deux fois plus de gaz à effet de serre. À cet égard, parmi les différents problèmes posés par le pétrole, par le charbon et par le gaz, le gaz est le moins problématique. »

Polluants atmosphériques

Et dans ce trio, le gaz ne gagne pas uniquement sur le tableau du CO2. Lors de la combustion, le gaz naturel émet moins de polluants atmosphériques. Il produit moins de dioxyde de soufre et de particules que le charbon et le pétrole, explique Mark Radka, alors chef de la branche énergie climat du Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) sur le site de l'agence des Nations unies.

Or, le dioxyde de soufre contribue au phénomène des pluies acides et les particules provoquent des problèmes respiratoires. Le gaz naturel joue donc surtout un rôle dans la transition de pays consommateurs de charbon comme l'Allemagne ou la Pologne.

Avantage relatif

Mais, le gaz naturel n’est pas une solution miracle. Il faut garder en tête que c’est le nom que l’on donne au gaz fossile. Cela transfère donc dans l’atmosphère des gaz à effet de serre qui étaient stockés sous terre. Si, lors de la combustion, le gaz émet moins de CO2 que le charbon pour une même quantité d’énergie, avant combustion, le gaz naturel est principalement constitué de méthane. Ce méthane reste dans l’atmosphère moins longtemps que le CO2 mais il a un pouvoir réchauffant beaucoup plus important. L’avantage du gaz est donc sans doute moins important que prévu, en raison des fuites de méthane.

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Cela dit, des fuites peuvent aussi survenir dans des mines de charbon. En tout cas, l'avantage est d'autant moins important avec du gaz naturel liquéfié (GNL) plébiscité depuis le début de la guerre en Ukraine. Le GNL multiplie le nombre d'opérations nécessaires, souligne Patrice Geoffron. Pour faire du GNL, « on extrait du gaz, on le met dans des tuyaux, il arrive dans un port, il faut alors le transformer sous forme liquide c'est-à-dire descendre considérablement sa température aux alentours de -160°. Cela consomme donc pas mal d'énergie. Ensuite, ce gaz qui, par exemple, traverse l'Atlantique, il est transporté par des bateaux dont il faut assurer la propulsion. À son arrivée sur les côtes européennes, il faut le retransformer en gaz. En tant que tel, c'est un processus qui est plus énergivore et qui a une empreinte environnementale plus lourde que ça n'est le cas pour le gaz transporté par des gazoducs ».

Investissements lourds pour une transition rapide ?

Certaines ONG dénoncent d'ailleurs cette qualification d’énergie de transition pour le gaz naturel. Elles craignent que parier sur le gaz naturel ralentisse, au contraire, la transition. D’ailleurs, des compagnies pétrogazières comme TotalEnergies et Eni usent de cet argument pour développer des projets gaziers alors que l'Agence internationale de l'énergie (AIE) estime qu'il n'est pas utile d'investir dans de nouveaux projets de pétrole et de gaz.

Par ailleurs, les investissements dans le secteur sont lourds alors que la transition doit être la plus rapide possible. Sur ce point, certaines infrastructures, explique Patrice Geoffron, pourront être reconverties pour le transport d’hydrogène, ou d'ammoniac par exemple. La part du gaz dans la consommation mondiale d'énergie est passée de 16 à 23% entre 1971 et 2019. Dans le même temps, si la part du pétrole a baissé (de 44,3 à 30,9%), celle du charbon a légèrement augmenté, passant de 26,1 à 26,8%.

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