Comment les PFAS, « polluants éternels », ont contaminé le monde?
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Ils sont partout et pourtant néfastes pour l’environnement et la santé. Inventés dans les années 1930 par le laboratoire américain DuPont pour des besoins militaires, les PFAS ont par la suite envahi nos objets du quotidien. Et on les retrouve désormais sur toute la planète, y compris dans les régions très éloignées des zones de leur fabrication.

Les PFAS, c’est le nom d’une grande famille de plusieurs milliers de molécules chimiques fabriquées par l’homme. Il s’agit de substances per- et polyfluoroalkylées. Elles ont toutes en commun d’être composées d’atomes de carbone et de fluor, une liaison chimique parmi les plus stables au monde. C’est pourquoi ces molécules sont très intéressantes : elles sont antiadhésives et protègent aussi bien de la chaleur que de l’eau.
Dans notre quotidien, les PFAS sont partout
L’objet le plus connu qui contient des PFAS est certainement la poêle antiadhésive en Teflon. « Mais on les retrouve partout », explique Matthieu Ben Braham, ingénieur-chimiste, chargé de missions règlementaires et scientifiques à l’ONG Générations Futures : « Ils sont contenus dans les emballages alimentaires, les mousses anti-feu des pompiers, dans les transports, les vêtements imperméables, le maquillage, les lentilles de contact, les pesticides ». Le revers de la médaille, c’est que grâce à leur résistance à toute épreuve, les PFAS ne se désintègrent presque pas. C’est pourquoi qu’on les appelle « polluants éternels ».
Comment les PFAS arrivent-ils dans l’environnement ?
Les PFAS sont rejetés dans l’environnement au moment même de leur fabrication, mais aussi durant l’utilisation des produits et objets qui les contiennent ou encore au moment du recyclage de ces derniers. « Quand des objets qui contiennent des PFAS arrivent en déchèteries ou sont incinérés, ils émettent les molécules chimiques dans l’environnement », souligne Matthieu Ben Braham. « Il y a aussi le cas des pesticides qui contiennent des PFAS. Au moment de leur épandage, ces substances chimiques se trouveront également dans l’environnement. Certains PFAS vont se dégrader et devenir d’autres PFAS. Les voies d’émission sont donc multiples et hautement complexes. Et il peut s’avérer très difficile de déterminer la source précise en cas de contamination d’une personne ou d’un endroit ».
Les PFAS contaminent notre air, nos sols, mais aussi les eaux en surface et les nappes phréatiques, polluant ainsi l’eau potable que nous buvons. Les PFAS sont présents dans nos aliments, les légumes, les œufs, la viande et même dans le lait maternel de femmes contaminées.
Tout le monde est contaminé
On retrouve les PFAS « dans le sang d’une grande majorité des êtres humains », rapporte Patrick Byrne. Ce spécialiste des pollutions environnementales et enseignant à l’Université John Moore à Liverpool a relevé durant ses recherches « les taux de contamination les plus élevés dans des régions qui comptent beaucoup d’industries lourdes et de grandes densités de population. Parmi ces régions du globe figurent notamment l’Amérique du Nord, l’Europe de l’Ouest, et depuis plus récemment la Chine. Mais au fil du temps, les PFAS se sont répandus à travers toute la planète, y compris dans des régions très éloignées des lieux de leur fabrication initiale ».
Thimo Groffen a mené des enquêtes dans plusieurs pays africains, dont l’Afrique du Sud, la Tanzanie, l’Éthiopie et la RDC, ainsi qu’en Antarctique. « Dans l’hémisphère sud, les niveaux de contamination aux PFAS sont moins élevés que dans l’hémisphère nord », raconte ce toxicologue au département de biologie de l’Université d’Anvers en Belgique : « Cela s’explique principalement parce que, dans ces régions, il n’y a la plupart du temps pas de sources directes de pollution aux PFAS, comme des sites de production. Et pourtant, en Afrique, nous les avons détectés aussi bien en zone urbaine qu’en zone rurale. Le plus inquiétant, c’est la présence des PFAS dans l’Antarctique, alors que dans cette zone, la plus reculée du monde, il n’y a pas d’activité humaine. En raison de leur résistance, ces substances chimiques y resteront pendant longtemps et affecteront à l’avenir des populations d’oiseaux et d’autres animaux ».
Les PFAS sont transportés à travers le monde par les courants marins et atmosphériques
Yann Aminot est chercheur à Ifremer, l’Institut français de recherches pour l’exploitation de la mer. Avec ses collègues il a mené des enquêtes sur la contamination des dauphins au large des côtes françaises, des thons dans les océans Indien et Pacifique, des requins de l’île de la Réunion ou encore des poissons prédateurs du golfe de Guinée.
« Je n’ai pas le souvenir d’avoir rencontré un échantillon sans ces molécules. Sur la totalité des échantillons qui passent par notre laboratoire on identifie la présence des PFAS », rapporte ce scientifique. « Le taux de contamination va dépendre de la proximité. Les PFAS sont des contaminants dit “mobiles”. Ils circulent dans les masses d’eau, avec les courants marins, et se propagent sur de grandes distances. On les détecte à plusieurs milliers de mètres de profondeurs. Donc en fait, leur propagation est globale. Mais ils sont non seulement transportés par les courants marins, mais aussi par les courants atmosphériques. Les PFAS se trouvent concentrés dans la couche de surface des océans. Et il est possible qu’ils soient entraînés dans les embruns, dans les aérosols. De cette façon les PFAS se retrouvent dans l’atmosphère et sont transportés par les courants atmosphériques ».
Les conséquences des PFAS sur notre santé
De nombreuses études scientifiques apportent aujourd’hui la preuve que la contamination aux PFAS peut affaiblir notre système immunitaire, provoquer une baisse de la fertilité, perturber notre système hormonal, augmenter notre taux de cholestérol. Certains PFAS sont responsables de cancers et de troubles cardio-vasculaires. Deux sous-catégories de PFAS ont d’ailleurs été interdites, mais remplacées immédiatement par d’autres dont les scientifiques ne connaissent pas encore les effets sur les organismes.
« Malheureusement, il y a aujourd’hui encore beaucoup de PFAS sur lesquels nous manquons d’informations concernant leur dangerosité », regrette Matthieu Ben Braham de Générations Futures, « mais nous savons que la plupart de ces molécules chimiques peuvent atteindre différents organes et différents grands systèmes (système cardio-vasculaire, système nerveux, ndlr.) du corps humain ».
Alors que Patrick Byrne de l’université de Liverpool qualifie les PFAS comme étant "la plus grande menace chimique pour l’espèce humaine au XXIe siècle », Matthieu Ben Braham de l’ONG Générations Futures estime qu’« il faut avoir les yeux grands ouverts pour bien se rendre compte de la montagne que nous avons devant nous et pour pouvoir enfin s’y attaquer. La pollution aux PFAS est si grave que nous ne pouvons plus nous permettre de tergiverser. Aujourd’hui, face à l’ampleur des contaminations aux PFAS et leurs impacts environnementaux et sanitaires, nous ne pouvons plus rester les bras croisés ».

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