Questions d'environnement

Comment le moustique de la dengue a envahi le monde et va continuer à le faire

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Le moustique Aedes aegypti, vecteur d'une cinquantaine de maladies, menace 4 milliards de personnes. Originaire des forêts africaines, il s'est rapproché des humains il y a 5 000 ans avant de poursuivre sa conquête planétaire.

Le moustique tigre apporte bien plus qu’un simple bourdonnement : il est porteur de la dengue.
Le moustique tigre apporte bien plus qu’un simple bourdonnement : il est porteur de la dengue. AP - James Gathany
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C’est un ami qui vous veut du mal. Disons que lui vous considère comme son ami, parce qu’il aime le sang humain. Aedes aegypti, l’une des quelque 3 500 espèces de moustiques identifiées dans le monde, représente une menace pour 4 milliards de personnes à travers la planète, en raison de toutes les maladies dont il est le vecteur. Dengue, zika, chikungunya, fièvre jaune… Il peut transmettre en tout une cinquantaine de virus rien qu'en piquant un humain.

À l'origine, pourtant, Aedes aegypti ne s'intéressait pas aux humains. Mais cela a changé avec la mondialisation, la découverte de l'amour du sang humain, et puis sa résistance aux insecticides, comme le raconte une étude internationale publiée dans la revue Science. Aedes aegypti s'est établi en Afrique continentale il y a 85 000 ans, dans les forêts tropicales. Les animaux de ces forêts sont alors le repas des femelles pour nourrir leurs larves : oiseaux, mammifères et même reptiles. Les humains vont devenir sa proie favorite bien plus tard.

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Premiers contacts humains

Il y a environ 5 000 ans, le Sahara devient un désert. Et parce que les moustiques ont besoin d'eau pour se reproduire, ils vont migrer près des populations humaines qui stockent de l'eau. Le moustique apprend à apprécier le sang des humains en Afrique de l'Ouest, comme le montre une toute petite une mutation génétique entre les moustiques forestiers et cette sous-espèce qui préfère le sang humain et qui va entamer, quelques milliers d'années plus tard, une nouvelle migration.

Elle va conquérir le monde, et d’abord le Nouveau monde, comme on appelle alors l'Amérique, colonisée par les Européens, qui ont besoin de main d'œuvre sur place, et qui lancent la traite négrière : les moustiques débarquent par bateau en Amérique en même temps que les esclaves. C'est l'étude du génome, la carte d'identité génétique des moustiques, qui le montre : les moustiques sénégalais, angolais et argentins sont alors très proches.

Mutation et résistance

En Amérique du Sud et dans les Caraïbes en particulier, Aedes aegypti ne trouve pas sa place dans les forêts déjà bien occupées par d'autres espèces de moustiques. C'est donc là qu’il achève sa « domestication » complète, une domestication à l'envers. Ce ne sont pas humains qui le domestiquent - personne n'a envie d'un moustique comme animal de compagnie - ce sont les moustiques qui décident de vivre avec les humains. Ce phénomène, chez les animaux, a un nom : la synanthropie. Et là, on peut dire qu'Aedes aegypti va vivre sa meilleure vie.

À la différence des humains, évidemment. Les piqures, les maladies, personne n'aime ça. Alors, on utilise des insecticides. Mais un moustique, en un an, peut produire 15 générations. Cela va vite, et certains moustiques, qui portaient par hasard une mutation génétique qui les rendait résistants, ont rapidement plus de descendants ; la sélection naturelle va les rendre dominants. Et cette mutation et cette résistance se retrouve aujourd'hui chez des moustiques en Afrique (au Sénégal, au Burkina-Faso notamment). Aedes aegypti a fait le voyage en sens inverse, pour retourner en Afrique, toujours aussi nuisible à l'humanité, avec en prime une résistance aux insecticides.

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La colonisation continue

Cette résistance aux produits chimiques et cette invasion planétaire, ont un coût humain. La moitié de l'humanité est aujourd’hui exposée à la dengue. En 20 ans, le nombre de cas a été multiplié par dix dans le monde, avec près de 8 000 morts pour les cas les plus graves. On estime qu'il y a désormais près de 400 millions de cas de dengue chaque année sur la planète.

Un bilan qui devrait s'alourdir, à cause du réchauffement climatique. Les larves d'Aedes aegypti ne sont pas capables de résister au froid, mais avec des hivers plus doux, les pays sous climat tempéré devraient bientôt être colonisés. Son cousin d’Asie, Aedes albopictus, plus connu sous son nom de star moustique tigre, est lui déjà présent dans une partie de l’Europe (ses larves sont moins frileuses). Et il ne cesse de gagner du terrain vers le nord, avec les maladies qu’il transmet lui aussi, comme la dengue, dont a recensé en France cet été une vingtaine de cas autochtones. Des maladies tropicales touchent désormais des pays tempérés. C’est aussi cela, le réchauffement climatique : des hivers plus chauds, et des étés plus piquants.

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