Questions d'environnement

Peut-on parler de la crise climatique en omettant la crise de la dette?

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Le financement de l'adaptation des pays du Sud au changement climatique aurait dû être réglé lors de la dernière COP à Bakou, en Azerbaïdjan. Mais cette dernière s'est soldée par un terrible échec. Alors que les pays du Sud demandaient 1 300 milliards de dollars par an pour leur adaptation, ils n'ont obtenu qu'une vague promesse de financement de 300 milliards de dollars, un chiffre dérisoire pour répondre aux énormes besoins. La question du financement de l'adaptation est donc, à nouveau, un enjeu majeur de cette COP brésilienne.

Le Niger est particulièrement exposé au changement climatique et aux pluies diluviennes. Ici, lors d'une précédente inondation près de Niamey. (Image d'illustration)
Le Niger est particulièrement exposé au changement climatique et aux pluies diluviennes. Ici, lors d'une précédente inondation près de Niamey. (Image d'illustration) AFP - BOUREIMA HAMA
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Les experts, présents à Belém au Brésil pour la COP30, parlent du « Fantôme de Bakou » pour parler de ce terrible échec de la dernière COP en Azerbaïdjan. Mais pour Mathieu Paris, chargé de plaidoyer Dette au CCFD Terre solidaire, impossible de parler de financement de l'adaptation sans parler de la dette des pays du Sud.

« En 2024, les pays du Sud ont payé plus de 900 milliards de dollars pour rembourser les intérêts de leur dette. Là, on parle de 300 milliards de dollars de financement climat, mais une grande partie de cet argent va juste servir à payer la dette et ne sera pas investi dans la lutte contre le changement climatique », analyse-t-il.

Et comme les financements climats sont sous forme de prêt en grande majorité, cela vient alourdir davantage la dette de pays déjà surendettés. Moralité : certains États dépensent 40% de leur budget à rembourser leur dette. De l'argent qui ne sert donc ni au développement, ni à l'adaptation.

Annulation de la dette

Devant cette situation inextricable, il semblerait ainsi logique que certains États, dans une situation économique très fragile, demandent l'annulation de leur dette. Mais cela est très risqué, prévient Mathieu Paris :

« Quand un pays va venir réclamer une annulation de dette, le pays va être puni par les marchés financiers derrière. Parce que le risque, c'est de voir les agences de notation dire : "Si ce pays demande une annulation de dette, c'est que la situation économique de ce pays est compliquée et qu'il ne s'agit donc pas d'un pays où faire des investissements". »

Or, avec une note dégradée par les agences de notation, les intérêts augmentent encore. Voilà comment se referme le piège de la dette dont ont été victimes des pays comme le Kenya ou le Sénégal, qui avaient réclamé une annulation de leur dette.

De nombreux économistes n'ont pas la même lecture des faits

Entre la dette écologique, les modes de production occidentaux et les ajustements structurels imposés aux États africains par le FMI et la Banque mondiale dans les années 1980, de nombreux économistes internationaux estiment que ce sont au contraire les pays du Nord qui ont une dette envers les pays du Sud. Une dette qu'ils ont chiffrée à 21 000 milliards de dollars.

« Je suis tout à fait d'accord avec ce positionnement-là. Ces mesures, qui ont été imposées aux pays du Sud, reposaient sur des modèles extractivistes de l'économie. C'est historiquement le Sud qui a financé le développement des pays du Nord. Donc en effet, il y a cette dette des pays européens qu'il faut reconnaitre aujourd'hui pour que les pays du Sud puissent faire leur propre développement », affirme Mathieu Paris.

Le refus des pays du Nord à financer l'adaptation au changement climatique des pays du Sud est, par conséquent, scandaleux et immoral. Car la seule question à se poser est : qui est endetté vis-à-vis de qui ?

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