Reportage Afrique

Madagascar: la Céni aux commandes de la plateforme d'alerte participative I-Report

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Dans la bataille pour la présidentielle malgache – tendue et inédite du fait du refus de la plupart des 13 candidats à participer à cette campagne –, la société civile et ses observateurs, plus que jamais, peuvent jouer un rôle de garde-fou. En observant, en reportant et en dénonçant les cas de fraudes et d’irrégularités authentifiés, les différentes organisations assermentées ont un vrai rôle à jouer dans la crédibilité du scrutin. Plusieurs mécanismes ont été mis en place pour faciliter la surveillance et la remontée des informations comme la plateforme « I-Report », un « système d'alerte et de réponse précoce » déployé pour le suivi des élections de 2023 et de 2024 sur la Grande île (présidentielle, communales et législatives) et financé par le PNUD.

En chasuble grise, les observateurs Safidy (ici de dos, à gauche) ont été déployés massivement sur tout le territoire lors de l'élection en 2018. Ils étaient plus de 4 000 à surveiller, annoter et reporter les incidents durant le précédent scrutin.
En chasuble grise, les observateurs Safidy (ici de dos, à gauche) ont été déployés massivement sur tout le territoire lors de l'élection en 2018. Ils étaient plus de 4 000 à surveiller, annoter et reporter les incidents durant le précédent scrutin. © Sarah Tétaud / RFI
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De notre correspondante à Antananarivo,

Au bout du téléphone, un membre de l’observatoire des élections Safidy signale un nouvel incident qui est immédiatement enregistré sur la base de données de l’organisation. Mais depuis dix jours, explique Diamondra Andrimbolarisoa, responsable juridique de l’observatoire, les opérateurs reportent également ces manquements sur une seconde plateforme, appelée I-Report. « Certes, ça peut faire doublon, mais ça ne nous dérange pas de reporter deux fois les signalements, si c’est un moyen pour nous de faire savoir à la Céni en temps réel qu’il existe des irrégularités partout à Madagascar », souligne Diamondra Andrimbolarisoa.

Car c’est bien la Commission électorale nationale indépendante pour la transition (Céni), souvent décriée ces derniers mois pour son manque d’impartialité par l’opposition et des organisations non gouvernementales, qui s’est vu attribuer le pilotage de la plateforme par le PNUD. Dans d’autres pays, c’est généralement à la société civile qu’est confié ce rôle. « Non, ce n’est pas paradoxal », explique Tianahanantsoa Rastimandresy, la directrice de la communication, de l’éducation et de la sensibilisation électorale de la Céni.

« À travers cette plateforme, nous voulons montrer que nous collaborons avec tous les acteurs pour pouvoir apporter des réponses rapides à chaque incident. L’historique est non effaçable, et chaque incident rapporté est visible par les organisations de la société civile partenaires (Safidy, KMF-CNOE, CNIDH). Nous voulons cette transparence-là pour rassurer l’opinion publique sur ce qu’on fait vraiment », insiste Tianahanantsoa Rastimandresy.

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La Céni obligée de traiter ces signalements

La loi impose en effet à la Céni de traiter ces signalements et de saisir les juridictions compétentes en cas d’irrégularités constatées. Au siège de l’organe électoral, dix analystes vérifient et recoupent les informations. L'un d'eux explique la procédure si une irrégularité est avérée :

« C’est là que nous décidons d’agir soit directement, soit d’appeler les institutions concernées, parfois les forces de l’ordre ou parfois des sociétés civiles également sur le terrain pour rectifier le tir. C’est le secrétariat exécutif qui décide d’y apporter une réponse, ainsi que le bureau permanent. »

Des réponses qui seront évidemment scrutées à la loupe, prévient la société civile. « Et nous, notre rôle en tant qu’observateurs, ce sera aussi de publier un rapport à l’issue des élections qui constatera si oui ou non les responsabilités de chacun ont été prises et si la loi a bien été respectée », explique-t-on.

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La Céni plaide pour des signalements dans un cadre réglementé

La Céni semble donc vouloir montrer patte blanche, à une semaine du premier tour. Face aux violences commises par les forces de l’ordre mercredi 8 novembre et samedi lors des manifestations, la Commission regrette cependant que les signalements se fassent essentiellement sur Facebook et encourage donc les organisations de la société civile partenaires à enregistrer ces infractions sur « I-Report » pour que des réponses soient apportées. Et des sanctions soient prises, si faute il y a eu.

La Céni affirme également vouloir élargir l’accès à sa plateforme à d’autres organisations, « habituées à faire les signalements sur les réseaux sociaux », afin que la remontée d’information « se fasse dans un cadre réglementé pour que nous puissions réagir vite et de manière adéquate ».

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