Reportage France

Crise des urgences: les difficultés de l'hôpital de Dreux

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De nombreux services d’urgences sont au bord de la rupture. Leur accès a été restreint ou va l’être dans 120 hôpitaux, faute de soignants en nombre suffisant, selon le décompte de Samu-Urgences de France. Parmi les établissements dans la tourmente : l’hôpital de Dreux, en Eure-et-Loir. Récemment, pour protester contre leurs conditions de travail et le manque de personnel, la majorité des paramédicaux des urgences était en arrêt de travail, jusqu'à ce que la direction s’engage à recruter.

Conséquence de l’engorgement des urgences, à l'hôpital de Dreux, comme dans le reste du pays : des personnels en souffrance.
Conséquence de l’engorgement des urgences, à l'hôpital de Dreux, comme dans le reste du pays : des personnels en souffrance. SEBASTIEN BOZON / AFP
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Ici comme ailleurs, les urgences sont en première ligne, point de convergence des difficultés, entre problèmes d’accès aux soins de la population et manque de places d’hospitalisation. Philippe, la cinquantaine, est né à Dreux. Il y a vécu toute sa vie, et il a vu ces dernières années la désertification médicale gagner du terrain. 

« Je n’ai plus de médecin traitant. Il est décédé. Quand j’en cherche un, ils disent qu’ils sont déjà complets. Quand ils partent en retraite, ils ne sont pas remplacés. J’ai connu à une époque, où même dans les quartiers populaires (moi, je viens d’un quartier populaire), il y avait minimum un ou deux médecins. Aujourd'hui, c’est une denrée rare. Quand j’ai besoin de voir un médecin, je vais aux urgences, pour avoir un diagnostic ou être rassuré », raconte-t-il.

20 000 patients de plus par an en dix ans

De plus en plus d’habitants, comme Philippe, se rendent aux urgences de l’hôpital faute de médecins de ville. Mais ce n’est pas là la seule cause de l’engorgement des urgences. Il y a aussi, en aval, la difficulté récurrente à trouver une place d’hospitalisation pour les patients qui en ont besoin. Pas assez de lits, car pas assez de personnel en raison de budgets trop contraints, estime Thierry Buquet, délégué syndical CGT à l’hôpital de Dreux, et brancardier de métier. Selon lui, la situation aux urgences est compliquée depuis plusieurs années :

« Il y a 10 ans, on faisait 35 000 entrées par an. Aujourd'hui, on tourne autour de 55 000, et les effectifs ont augmenté, mais très légèrement, et pas en lien avec l’augmentation de l’activité. »

« C’est pour cela qu’il y a une difficulté pour les agents dans la prise en charge. Quand je travaillais aux urgences, au début, il est clair qu’on ne voyait pas des brancards dans les couloirs. Le flux aux urgences n’avait rien à voir avec ce qu’on voit aujourd'hui. Et on avait les lits nécessaires pour accueillir les gens dans les étages. Ils ne stagnaient pas aux urgences », explique-t-il.

« Ces conditions nous rendent inhumains »

Conséquence de l’engorgement des urgences : des personnels en souffrance, comme Clem, aide-soignante, et Lucie, infirmière. « Physiquement, je suis épuisée, et puis ras-le-bol de ne pas pouvoir prendre en charge correctement les patients. C’est ce qui me gêne le plus. On n’est pas là en train de mettre des choses en rayon, on s’occupe de l’humain. Je n’ai pas fait ce métier pour être inhumaine et maltraitante.

- Et vous avez l'impression de l'être parfois ?

- Oui. On ne peut plus s’occuper des gens comme il le faudrait. Humainement, on ne peut plus parler avec eux, on ne peut plus répondre à leurs besoins premiers. Ils sont inquiets, ils veulent parler à leur famille, mais les familles n’ont pas le droit de rentrer depuis le Covid. On n’a pas le temps, ni de leur donner à boire, ni de les faire communiquer avec leur famille, ni même parfois de les emmener aux toilettes. Là, on ne répond plus aux besoins premiers, vitaux presque des gens. Personnellement, je ne suis pas bien du tout. J’avoue que j’ai ce métier-là dans les tripes, mais je n’ai pas fait ça pour être inhumaine et certains patients nous le disent. Ces conditions nous rendent inhumains, et c’est vrai », confient-elles. 

Après un mouvement social, où l’accès aux urgences de l’hôpital de Dreux a dû être restreint, la direction s’est engagée à recruter des paramédicaux. Reste à les trouver et à les garder. Un défi, car l’hôpital public attire de moins en moins les soignants. 

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