Les 30 000 habitants de Gibraltar, qui vivent dans ce territoire britannique de 6km², se préparent l’âme en peine à vivre sous l’ère du Brexit, sans réellement savoir quel va être leur sort. L’accord commercial, passé in extremis le 24 décembre entre Bruxelles et Londres, ne fait aucune référence aux relations entre « El Peñon » (nom donné au Rocher) et l’Espagne. Une fermeture de la frontière avec l'Espagne asphyxierait l'économie locale, aussi bien côté espagnol que britannique.

Au pied du World Trade Center, un des principaux immeubles financiers de Gibraltar, connu pour ses vitres bleues teintées, Brian sirote son café avant de rejoindre son bureau. Cet homme d’affaires, qui vit depuis 30 ans au sud de l’Espagne, ne cache pas sa préoccupation sur les effets possibles du Brexit dans son quotidien.
« Le principal problème, c’est la frontière. Moi, je vis en Espagne et je travaille ici, donc cela peut devenir très compliqué. Il y a d’autres choses aussi complexes comme la sécurité sociale. Je paye mes cotisations ici, mais je vais chez le médecin en Espagne. ».
De l’autre côté de cette verja (le grillage), la baie de Gibraltar retient également son souffle. Juan Lozano est président de la communauté des mairies de la région. Dans son bureau à Algeciras, il contemple le détroit avec une certaine angoisse.
« Le Brexit va nous affecter dans toutes les relations. Il faut savoir qu’ici, les liens sont très unis, non seulement au niveau du travail ou de l’économie, mais aussi personnel, les familles d’un côté et d’autres de la frontière. »
Lors d’une récente réunion avec les représentants du gouvernement de Gibraltar et d’Espagne, Juan Lozano n’a exigé qu’une chose :
« Aussi bien d’un côté ou de l’autre du grillage, ce que demandent les travailleurs, les citoyens et les mairies, c’est de maintenir la fluidité à la frontière. Car cela veut dire que l’économie va continuer à fonctionner, que les emplois vont se maintenir. On parle de 15 000 emplois, dont 10 000 sont des travailleurs espagnols. »
Les autorités locales ont recensé chacun de ces 15 000 travailleurs, lesquels seront munis d’une carte spéciale, permettant normalement de franchir la frontière avec cette même fluidité. Toutefois, certaines activités risquent de souffrir, comme l’assure Christopher, avocat gibraltarien :
« Il y a beaucoup de compagnies d’assurances, ici à Gibraltar, qui ont leur siège et qui se sont spécialisées dans les assurances pour les Britanniques en Europe, comme celles de leurs voitures ou de leurs maisons. Et tout cela va s’arrêter. Cela va aussi être plus compliqué pour les boutiques de la rue principale qui vivent des touristes et des Espagnols. Et cela me préoccupe, car si l’économie de Gibraltar baisse, cela va avoir des conséquences pour tout le monde. »
Pour maintenir cette prospérité et la fluidité à la frontière, le ministre principal de Gibraltar, Fabian Picardo, a proposé que son territoire soit intégré dans l’espace Schengen. Mais Londres rejette cette possibilité, trop risquée à ses yeux. Gibraltar serait plus intégré en Europe, et surtout, cela risquerait de resserrer les liens avec l’Espagne. Madrid pourrait enfin caresser un vieux rêve : obtenir une souveraineté partagée sur le Rocher.
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