Travailleurs migrants en Chine: des vacances du Nouvel An lunaire plombées par la crise immobilière
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Les vacances du Nouvel An lunaire commencent ce vendredi 9 février en Chine. Une période de grande migration, pendant laquelle des centaines de millions de Chinois vont rejoindre leur famille en province. Mais avec l’économie qui ralentit, certains, notamment chez les travailleurs migrants, sont contraints de chercher du travail.

De notre correspondant à Pékin, avec Chi Xiangyuan du bureau de Pékin,
À Majuqiao dans le sud-est de la capitale chinoise, les petites camionnettes qui emmènent les ouvriers à la journée sur leur lieu de travail se font plus rares en cette veille de vacances de la fête du printemps. C’est la saison morte pour les travailleurs migrants, ce qui n’empêche pas monsieur Wang, en grosse veste militaire matelassée, d’affronter le vent froid depuis plusieurs heures déjà, disponible pour n’importe quel boulot.
« Je travaille sur les structures en acier. Cette année, c’est difficile de trouver du travail à Pékin et de nombreux frères sont déjà partis en vacances. Il n’y a plus de chantier de construction. Normalement, je gagne près de 40 euros la journée. Mais il n’y a pas tellement de travail en ce moment », constate-t-il.
« Les temps sont durs »
Surnommée la « rue du travail », la grande avenue située non loin de l’échangeur du 6ᵉ périphérique est devenue un marché de la main d’œuvre à temps très partiel. Certains, parmi les bras qui attendent du travail, ont inscrit leur numéro de téléphone sur le trottoir. Des grappes d’ouvrier portent leur casque de chantier, d’autres leurs outils à la main et pour ce menuisier, un bracelet à grosses boules en bois de sapin.
« Je travaille sur les échafaudages comme menuisier et comme peintre. Si vous êtes spécialisés, il y a du travail, car les autres sont rentrés dans leur province. Pour le salaire, c’est entre 280 et 360 yuans par jour », explique un autre ouvrier.
Entre 37 et 47 euros la journée, c’est un peu plus que ce que propose cette recruteuse dans l’une des nombreuses agences d’intérim qui bordent l’avenue. Les temps sont durs, dit-elle.
« En ce moment, on recrute principalement des agents de sécurité, nous avons aussi des ouvriers spécialisés », indique madame Chen. « Mais c’est déjà le petit Nouvel An lunaire dans le nord et les vacances vont commencer. Il est donc difficile de trouver du monde. En même temps, le marché de l’immobilier, c'est du passé. Il n’y a plus de travail sur les chantiers ! Ce sont surtout les entreprises du e-commerce qui viennent nous voir. Ils cherchent des livreurs ! »
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Une crise immobilière dévastatrice pour l'emploi
La crise immobilière a été dévastatrice pour l’emploi. Le reportage intitulé « travailler ainsi pendant 30 ans » a été censuré aussitôt après sa sortie sur la plateforme Netease le 9 janvier dernier. Le collectif de journalistes anonymes qui l’a réalisé interroge des travailleurs migrants de Zhengzhou, dans la province centrale du Henan. Tous racontent leur difficile survie après l’arrêt des chantiers.
Selon le bureau national des statistiques, la Chine comptait près de 296 millions de travailleurs migrants en 2022, dont 17,7 % dans la construction. Ce qui signifie que 52 millions d’entre eux comptaient sur le secteur pour subvenir aux besoins de leur famille, note le China Digital Times.
Certains ont dû se reconvertir, explique monsieur Guo. Le barbier taille poils et cheveux, pour moins deux euros, à même le trottoir depuis plus de 30 ans dans le quartier. « Les gens sont partis pour le Nouvel An, mais de toute façon, il y a moins de monde », dit-il. « Avant, je pouvais gagner quelques centaines de yuans dans la journée. Aujourd’hui, c’est difficile même de faire 100 yuans. Il y a eu la pandémie, les gens étaient bloqués ici. Puis, ça s’est arrêté. Alors, ils sont rentrés, mais ils ne sont pas revenus. Car il y a moins de travail et ceux des chantiers sont partis dans les usines. »
Pas assez d'argent pour partir fêter le Nouvel An lunaire
La crise du secteur immobilier, qui a vu sa valeur ajoutée baisser de 1,3 % en 2023, a également, selon ces migrants, un impact direct sur d’autres secteurs, dont les meubles et le textile. Monsieur Fan travaille comme gardien de nuit dans une imprimerie. Il n’a pas gagné assez pour pouvoir partir en vacances cette année.
« Je ne vais pas pouvoir rentrer chez moi cette fois. Je veux gagner un peu de sous pendant les vacances. Je n'ai pas assez d’argent. »
Pas assez d’argent pour partir fêter l’entrée dans l’année du dragon, sachant que pour la plupart des migrants en Chine, les congés ne sont pas payés, mais rester dans les mégalopoles coûte très/trop cher.
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