À la Une: le Mali est-il en train de perdre le Nord?
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C’est un pas de plus vers un divorce total avec Bamako : les trois grands groupes armés du Nord-Mali, le Mouvement national pour la libération de l’Azawad, le Mouvement arabe de l’Azawad et le Haut Conseil pour l’unité de l’Azawad, qui étaient déjà réunis sous la bannière de la CMA, la Coordination des mouvements de l’Azawad, ont décidé de fusionner hier en une seule et même entité. Une cérémonie officielle a eu lieu hier à Kidal, ville malienne du nord-est qu’ils contrôlent militairement depuis 2013.
« Retour à la case départ ? », s’interroge Mali Tribune à Bamako. Va-t-on vers un conflit ouvert entre le Nord-Mali et le pouvoir central ? « D’aucuns vont jusqu’à imaginer le pire : la reprise des hostilités entre l’armée malienne que certains estiment bien préparée aujourd’hui et la CMA. Sur les réseaux sociaux à Bamako, certains jeunes incitent à la guerre. "L’armée de 2012 n’est pas celle de 2023", clament-t-ils, se disant pressés de voir Kidal libéré du joug des ex-rebelles. Ils crient à la guerre. D’un autre côté, il y en a qui privilégient le dialogue. Pour eux, même s’il faut le relire ou faire autre chose, le mieux c’est de sauver l’accord issu du processus d’Alger afin d’éviter la guerre. »
Complot international ?
Le Démocrate Mali hausse le ton… D’après cette publication, la France agit dans l’ombre aux côtés des groupes armés du Nord-Mali. Le Démocrate parle même de « conspiration internationale » : il y a eu « accord avec la France, écrit-il, pour proclamer une République nouvelle au nord. Les membres de la Coordination des mouvements armés de l’Azawad, la CMA, travaillent en connivence avec les islamistes afin d’annexer les régions du Nord. Ils ont aussi l’appui de certains pays arabes (…). Ils s’arment illégalement grâce à leur affinité avec la France, leurs amis dans le golfe et l’ex-président burkinabè Blaise Compaoré. La Mauritanie aussi a apporté son aide aux rebelles maliens. L’Algérie également ne joue pas franc-jeu avec les autorités légitimes du Mali. »
Que fait l’armée malienne ?
En tout cas, avec cette fusion des mouvements de l’Azawad, « le Mali n’est-il pas en train de perdre le nord ? », s’interroge WakatSéra. « Où donc est passée la fameuse montée en puissance de l’armée nationale, elle qui n’arrive pas à récupérer Kidal, ou tout au moins à garantir la sécurité à tous les citoyens maliens sur le territoire national ? », s’interroge encore le site d’information burkinabè. « Les forces de défense maliennes ont-elles abdiqué dans la lutte pour redonner au Mali son intégrité physique ? À ce rythme, Bamako ne sera-t-il pas contraint de reconnaître sa souveraineté à l’Azawad, portion du territoire dont le Mali est déjà amputé de fait ? Contrairement à la junte malienne, clivante à souhait, qui musèle et divise, pointe encore WakatSéra, les mouvements de l’Azawad, eux, optent pour le choix de l’union qui fait la force… à moins d’un vent contraire d’égo personnel, qui ne manque jamais de souffler dans les initiatives de rassemblement. »
Isolement, violations des droits de l’homme, massacres…
Enfin, à lire dans Le Point Afrique, cette analyse de Bakary Sambe, directeur du Timbuktu Institute : « quelles perspectives pour un Sahel fragmenté et miné par l’extrémisme religieux et le terrorisme ? » Bakary Sambe n’est guère optimiste… Il y a « beaucoup d’incertitudes, affirme-t-il, avec la nouvelle alliance de circonstance en gestation entre le Mali et le Burkina Faso, laquelle risque de consolider la présence de Wagner dans la région. Et le climat tendu entre le Mali et le Niger n’est pas pour arranger les choses. Pire, il rend politiquement et pratiquement impossible toute approche commune et, encore plus, la coopération nécessaire dans la zone dite des "trois frontières". (…) Au Mali, poursuit Bakary Sambe, l’option Wagner et du "tout militaire" n’a pas donné les résultats escomptés. Au contraire, en plus de l’isolement du pays de ses partenaires traditionnels et de ses voisins immédiats, les violations graves des droits de l’homme, l’amalgame ethnico-communautaire et les massacres de populations civiles rendent la situation bien plus critique qu’avant. De fait, conclut le directeur du Timbuktu Institute, tout porte à croire que non seulement au Mali on se dirige vers une situation plus grave que celle de 2012, mais en plus celle-ci pourrait assez rapidement contaminer les pays voisins. »
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