À la Une: le massacre de Moura, où est la vérité?
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C’était fin mars de l’année dernière, dans le village de Moura, dans le centre du Mali, au moins 500 personnes, dont une vingtaine de femmes et sept enfants, sont tuées au cours d’une intervention des Forces armées maliennes.
Aussitôt, les autorités de Bamako affirment avoir mené une opération anti-terroriste et avancent que les victimes sont des combattants. Mais selon des ONG locales et des sources onusiennes, il s’agit d’un massacre de civils.
Jeune Afrique précise : « le 27 mars 2022, une foire a lieu à Moura. Ce jour-là, plusieurs hommes armés appartenant à la mouvance jihadiste sont bien présents dans le village pour se ravitailler. En fin de matinée, des hélicoptères de l’armée malienne survolent le village et se mettent à tirer indistinctement sur les habitants. Puis les appareils se posent au sol. Plusieurs militaires maliens et mercenaires de Wagner en sortent, pénètrent dans le village et tirent à leur tour sur des civils. Des renforts viennent ensuite les assister. S'ensuivent trois jours d’encerclement et d’occupation du village. Des petits groupes sont constitués au fur et à mesure. Certains sont interrogés, torturés et finissent par être exécutés. »
Avant-hier, après des mois d’enquête, le Haut commissariat aux droits de l’homme publie un rapport accablant pour les Forces armées maliennes qui fait état de potentiels crimes de guerre, voire de crimes contre l’humanité.
Rapport de l’ONU : « partial et mensonger »
Réaction immédiate de Bamako qui dément en bloc et dénonce un récit fictif. La presse malienne fait également feu de tout bois ce matin, à l’instar du quotidien L’Aube : « dans son rapport, visiblement commandité, l’ONU au lieu de saluer les efforts du Mali dans sa lutte pour se débarrasser des bandes terroristes, pointe un doigt accusateur sur l’armée malienne. » Et le quotidien malien de dénoncer lui aussi un « rapport à la fois partial et truffé de témoignages mensongers. (…) En réalité, affirme encore L’Aube, les occidentaux veulent tout simplement se servir de cette question après avoir lamentablement échoué sur d’autres terrains de déstabilisation de notre pays. Peine perdue : cette énième machination est vouée à l’échec ! »
Réaction indignée également de l’ONG Yerewolo Debout sur les remparts, proche du pouvoir malien, dont les propos sont cités par le quotidien en ligne Malikilé : Yerewolo qui dénonce un « rapport fallacieux, haineux et diffamatoire sur l’opération militaire historique et victorieuse de l’armée malienne à Moura sur les forces obscurantistes au service des pilleurs de l’Afrique et des criminels contre l’humanité. »
« Les masques tombent ! »
Autre son de cloche pour Mourya La Voix du Niger, site d’information proche des autorités de Niamey : « les masques tombent enfin, s’exclame Mourya, et la vérité commence à se manifester malgré les tentatives de dissimulation de la junte militaire sur les exactions de l’intervention de son armée aux côtés des mercenaires russes de Wagner dans la localité de Moura. (…) Un nouveau front vient de s’ouvrir entre la junte militaire malienne au pouvoir, déjà tombée dans l’isolement sur le plan international et les Nations unies qui disposent aujourd’hui d’un moyen de pression représenté ici par ce rapport accablant, bien documenté, à plus d’un titre. »
Quelle vérité ?
« Saura-t-on jamais la vérité ? », s’interroge pour sa part Le Pays au Burkina Faso. La vérité qui « se trouve entre les deux versions contradictoires, estime le quotidien burkinabè. Car, si tous les morts enregistrés à Moura ne sont pas des jihadistes, il n’en reste pas moins vrai que ces derniers y avaient pignon sur rue au moment des faits, d’autant que leur chef, Amadou Koufa, a reconnu lui-même avoir perdu une trentaine de combattants suite au siège du village par l’armée malienne. »
Faire face à la réalité…
En tout cas, et « si les militaires mettaient fin à la diversion ? », s’exclame WakatSéra, toujours au Burkina. « La junte au pouvoir au Mali doit faire face à la réalité au lieu de seriner à tout moment sa chanson préférée de "tentative de désinformation et de déstabilisation", de "complot militaire", "d'espionnage", ou encore d’"atteinte à la sûreté extérieure de l’État". L’épouvantail des menaces à tout vent agité par la junte n’effraie plus, car frisant trop le ridicule. Il urge plutôt, pour l’Afrique de l’Ouest, estime WakatSéra, de mettre les forces militaires et de développement ensemble pour bouter les assaillants hors du territoire malien et songer à rendre le pouvoir aux civils après des élections ouvertes. Le peuple malien et ses voisins, unis par des liens séculaires d’entente, méritent enfin de respirer l’air de la liberté et de la paix ! Et ça, la junte militaire malienne doit en prendre sérieusement conscience. »
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