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À la Une: la France fait un pas vers la reconnaissance du massacre de Thiaroye

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Une vue du cimetière de Thiaroye, près de Dakar où sont enterrés  des tirailleurs sénégalais. (Image d'illustration)
Une vue du cimetière de Thiaroye, près de Dakar où sont enterrés des tirailleurs sénégalais. (Image d'illustration) AFP - GEORGES GOBET
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Thiaroye, dans la banlieue de Dakar : le 1er décembre 1944, alors qu’ils arrivent de France et qu’ils viennent d’être libérés des camps de prisonniers allemands, des dizaines de tirailleurs africains sont exécutés. Ils sont 35 selon les autorités militaires françaises, dix fois plus selon plusieurs historiens. Leur tort : avoir manifesté pour toucher leur solde. 80 ans plus tard, l’État français entame son mea culpa.

« "Mort pour la France" : ces quatre mots lourds de sens, pointe Le Monde Afrique, Biram Senghor les attend depuis 80 ans pour son père, exécuté (…) sur ordre de l’armée française. Après des décennies de combat pour leur mémoire, l’homme de 86 ans vient d’apprendre que cette mention honorifique a été octroyée à six d’entre eux, dont M’Bap Senghor, son père. Cette attribution a été délivrée en toute discrétion le 18 juin dernier par l’Office national des combattants et des victimes de guerre (un organisme rattaché au ministère français des Armées), soit deux jours avant la première rencontre entre le nouveau chef de l’État sénégalais Bassirou Diomaye Faye et Emmanuel Macron à Paris. (…) Cette reconnaissance est un geste inédit dans un dossier mémoriel douloureux entre la France et ses anciennes colonies ».

Ouvrir les archives

Toujours dans Le Monde Afrique, ce commentaire de l’historienne Armelle Mabon, qui consacre depuis dix ans ses travaux au massacre de Thiaroye : « En reconnaissant que ces hommes n’étaient pas des mutins et qu’ils ont été assassinés par l’armée, le ministère des Armées démontre qu’il possède des archives le prouvant. Mais ces documents, ainsi que d’autres localisant les fosses communes, ne sont toujours pas consultables. L’État français doit par ailleurs étendre cette mention de reconnaissance à toutes les victimes de Thiaroye ».

En effet, relève le site d’information Afrik.com, « la reconnaissance officielle des six tirailleurs est un pas en avant important, mais elle ne suffit pas. Il reste encore beaucoup à faire pour que la vérité soit entièrement révélée et que justice soit rendue aux victimes. Les historiens estiment que le nombre de victimes est bien supérieur au chiffre officiel de 35. La question des réparations est également au cœur des débats ».

« Ce n’est pas à la France… »

Sur place au Sénégal, le Premier ministre Ousmane Sonko a vivement réagi. « Ousmane Sonko "fusille" Macron », titre le quotidien 24 Heures. En effet, précise le quotidien dakarois, « Ousmane Sonko n’a pas tardé à exprimer son mécontentement face à ce geste, le qualifiant de “subite prise de conscience“ en prélude à la célébration du 80ème anniversaire de cet événement tragique. Le Premier ministre a rappelé que ce souvenir douloureux ne devait plus être traité de manière unilatérale par la France. "Nous demandons au gouvernement français de revoir ses méthodes, car les temps ont changé !" a déclaré Ousmane Sonko. "Ce n’est pas à la France, a-t-il ajouté, de fixer unilatéralement le nombre d’Africains trahis et assassinés après avoir contribué à la sauver, ni le type et la portée de la reconnaissance et des réparations qu’ils méritent. Thiaroye 44, comme tout le reste, sera remémoré autrement désormais" ».

Première étape

Pour sa part, Le Pays au Burkina Faso, estime que cette reconnaissance est une première étape. « S’il est vrai que le geste est symbolique, la portée, quant à elle, n’en demeure pas moins grande ; tant elle contribuera à apaiser la douleur des familles et ayants droit. Reste maintenant à espérer qu’après les six tirailleurs sénégalais qui viennent d’être “réhabilités“, le devoir de mémoire des autorités françaises se poursuive afin que soient reconnus les efforts de tous les autres Africains qui ont trouvé la mort en voulant défendre la France. C’est à ce prix, affirme encore Le Pays, que la France et ses ex-colonies pourront "regarder leur histoire en face", comme le souhaite le président Macron, afin de mieux envisager l’avenir. Car leur histoire commune et douloureuse pèse énormément sur leurs rapports d’aujourd’hui au point d’alimenter dans certains pays du Sahel, ce sentiment anti-français avec toutes les conséquences qui peuvent en découler. »

WakatSéra est sur la même ligne : « les temps du paternalisme français sont révolus, et Paris ferait preuve d’une myopie suicidaire si elle ne changeait pas de logiciel en ce qui concerne ses relations avec l’Afrique. La France est consciente que plus aucune erreur ne lui sera concédée sur ce plan. Il faut donc saluer, à sa juste mesure, cette reconnaissance (…). Et il faut que les réparations financières suivent dans la lancée de ce mea culpa. »

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