À la Une: la famine comme arme de guerre à Gaza
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Mahmoud Shalabi est directeur principal du programme d’aide médicale aux Palestiniens à Gaza. Au travers de notes vocales et de messages envoyés par les réseaux sociaux, il témoigne dans les colonnes du Guardian à Londres : « Quand je me rends au marché autrefois animé du camp de réfugiés de Jabaliya, il n’y a plus d’échoppes, plus de nourriture à vendre, affirme-t-il. Le riz, les lentilles et les haricots ont disparu. Il ne reste que des épices ou des noix, à des prix prohibitifs. Même les petites collations que nous donnions à nos enfants sont devenues un luxe inaccessible. Certaines personnes que j’ai rencontrées survivent avec seulement une tasse de café par jour. Les parents donnent toute la nourriture qu’ils peuvent trouver à leurs enfants affamés. Chaque personne que je connais à Gaza a perdu du poids, en moyenne entre 10 et 30 kilos. Mes enfants et moi avons également perdu du poids ; mes collègues sont choqués lorsqu’ils me voient amaigri sur les photos. J’ai récemment vu un homme donner quelques chips à ses deux enfants et je me souviens qu’il disait : "vas-y doucement, car je n’ai plus rien et c’est ton repas de la journée". Des enfants ont même commencé à sortir dans la rue avec leurs assiettes, leurs casseroles et leurs cuillères vides, en frappant dessus et en criant qu’ils veulent manger. (…) Ne nous y trompons pas, affirme encore Mahmoud Shalabi dans le Guardian : le gouvernement israélien utilise la famine comme arme de guerre à Gaza. Il s’agit d’une crise d’origine humaine entièrement évitable et qui peut prendre fin dès maintenant. L’aide cosmétique des États-Unis, du Royaume-Uni et d’autres États, tels que les largages aériens et les ports maritimes temporaires, ne constituent pas une solution pour mettre fin à la famine. »
D’ici mai, la faim sévira partout dans l’enclave
Libération à Paris précise : « Un Gazaoui sur deux connaît une situation alimentaire catastrophique en raison des bombardements incessants et des restrictions imposées par l’État hébreu sur l’acheminement de l’aide humanitaire. À ce jour, 27 décès dus à la famine et à la déshydratation ont déjà été signalés à Gaza, dont 23 enfants. Et en l’absence de mesures "urgentes", en particulier dans le Nord, la famine sévira d’ici au mois de mai dans l’enclave, alertent les agences spécialisées des Nations unies. Samedi, précise encore Libération, la cargaison du premier bateau d’aide humanitaire, en provenance du port chypriote de Larnaca et qui transportait 200 tonnes de nourriture, a été déchargée dans la bande de Gaza. Mais cette aide est encore largement insuffisante au vu des immenses besoins de la population. Certaines denrées sont par ailleurs revendues à prix d’or par des "profiteurs de guerre" qui n’hésitent pas à faire flamber les prix de ces produits rares sur les étals des marchés pour s’enrichir. »
Négociations au point mort
Pourtant, relève le Washington Post, « cela fait des semaines que les organisations humanitaires internationales ont lancé l’alerte ». Et maintenant, « plus d’un million de personnes, soit environ la moitié de la population du territoire assiégé, devraient être confrontées à des niveaux catastrophiques de famine d’ici juillet. (…) Cette situation calamiteuse est d’autant plus stupéfiante, souligne le quotidien américain, qu’elle est entièrement la conséquence de décisions humaines : la population civile de Gaza meurt de faim à cause du siège israélien, et non à cause d’un tremblement de terre, d’une sécheresse prolongée ou d’autres catastrophes naturelles. Une réalité préoccupante pour les responsables de l’ONU ».
Pour leur part, pointe encore le Washington Post, « les responsables israéliens, principalement le Premier ministre Benyamin Netanyahu, semblent insensibles à la situation. Ils accusent le Hamas d’être à l’origine de cette crise ». Et « aucun répit n’est en vue, Israël et le Hamas étant toujours en désaccord sur la possibilité d’un cessez-le-feu négocié par les médiateurs américains et arabes ».
Une opération de maintien de la paix ?
Comment sortir de cette crise ? Le quotidien belge Le Soir en appelle à l’ONU. « Les Nations unies doivent agir de toute urgence pour adopter une résolution et créer une organisation humanitaire chargée d’agir aux côtés de celles déjà présentes à Gaza. Une opération de maintien de la paix doit aussi voir le jour, comme il fut possible de le faire au Kosovo en 1999. Et surtout, encourager la mise en place d’une procédure accélérée pour identifier et juger tous les auteurs de crimes commis dans les deux camps depuis le 7 octobre 2023. »
Et Le Soir de lancer cette supplique : « Comment la communauté des nations, les femmes et les hommes de paix, qu’ils soient juifs, musulmans, chrétiens ou non-croyants, peuvent-ils ne pas réagir en présence de tant de souffrance ? Nous pensons qu’avec un minimum de bonne volonté, une initiative pourrait s’ouvrir, sans attendre, pour peu que le courage politique n’ait pas entièrement déserté. (…) Les États membres du Conseil de sécurité de l’ONU doivent sans plus attendre assumer les responsabilités que la Charte des Nations unies et la communauté des nations leur ont confiées, conclut le quotidien belge. Faute de quoi notre indifférence collective contribuerait à prolonger sans fin l’enchaînement infernal qui se produit sous nos yeux au Proche-Orient. »
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