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En Mer de Chine méridionale, Pékin déploie 65 navires autour du haut-fond de Sabina, à 120 km des côtes philippines

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Éperonné par la marine chinoise fin août, le navire-amiral des gardes-côtes philippins a été contraint de quitter, lundi, l'îlot de Sabina. De quoi faire craindre une prise de contrôle par Pékin d’un îlot contesté, dans la zone économique exclusive des Philippines. 


En mer de Chine méridionale : la Chine appelle les Philippines à la prudence et à l'équilibre. [Image d'illustration]
En mer de Chine méridionale : la Chine appelle les Philippines à la prudence et à l'équilibre. [Image d'illustration] AP
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Après cinq mois de surveillance du haut-fond “Sabina”, le navire-amiral Teresa Magbanua, le plus grand patrouilleur de la marine philippine, a été contraint de rentrer au port de Puerto Princesa, avec un trou béant sur sa coque arrière, et à son bord, des marins affamés et surtout totalement déshydratés.

Les autorités philippines ont expliqué avoir été contraintes de se retirer à cause de l’état dégradé du navire, des intempéries, mais surtout, de l’état de santé des membres d’équipage, qui n’ont pas pu être ravitaillés en eau et en nourriture pendant trois semaines à cause d’un blocus naval imposé par la marine chinoise.

Pour Manille, Sabina et l'archipel d’atolls alentour fait partie de sa zone économique exclusive. Un statut qui a été confirmé en 2016 par la Cour d’arbitrage de La Haye, mais que la Chine conteste. 

Depuis un an, Pékin cherche à asseoir son autorité : les navires chinois bloquent le passage, percutent et bombardent aux canons à eau des navires philippins. En juin dernier, armés de machettes et de couteaux, des soldats chinois ont carrément tenté de saboter le ravitaillement de la garnison de soldats philippins qui est postée sur un récif voisin, le Second Thomas, un autre confetti corallien hautement symbolique, car c'est là que les Philippines ont volontairement fait échouer en 1999, un navire, le Sierra Madre, pour marquer leur territoire, justement. 

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Un tournant dans le rapport de force ?

Les Philippines se sont empressées de dire qu’ils n’avaient pas perdu le contrôle du récif de Sabina, et ont annoncé qu’un autre navire serait déployé sous peu. 

Le contre-amiral Roy Vincent Trinidad, commandant adjoint de la marine philippine, a qualifié “d’illégale” la présence chinoise près du haut-fond et affirmé que les Philippines "ne se laisseront pas décourager” et n'abandonnent pas leurs prétentions sur le récif. 

Mais vu le harcèlement et les difficultés de navigation imposées par les navires chinois, qui sont actuellement une soixantaine autour de l’écueil de Sabina, il faut voir ce qu’il va se passer dans les prochaines semaines. Cette situation fait craindre un scénario à la Scarborough, du nom de cet autre récif, plus au Nord, que Pékin a repris à Manille en 2012 dans des circonstances assez semblables. 

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En toile de fond, l’affrontement entre la Chine et les États-Unis

Un traité de défense mutuelle lie les Philippines et les États-Unis depuis 1951. Cet accord militaire s’est renforcé ces dernières années, avec la militarisation croissante engagée par la Chine dans ces eaux où transite plus de 60 % du commerce mondial. D’ailleurs, il y a quelques jours, dans une interview à 60 Minutes, sur la chaîne américaine CBS, Gilberto Teodoro, le ministre de la Défense philippin, a expliqué que des discussions étaient en cours avec Washington pour définir les lignes rouges qui pourraient déclencher une intervention américaine.  

Les tensions maritimes dans cette zone très poissonneuse, riche en hydrocarbures et stratégique d’un point de vue militaire et commercial viennent en tout cas tester la solidité du soutien américain envers ses partenaires du Sud-Est asiatique. Ce qu’il se passe aux Philippines engage la crédibilité des États-Unis auprès de tous ses alliés dans le Pacifique.  

La stratégie du déni d'accès

Selon plusieurs analystes, la Chine se sent aujourd'hui assez forte pour jouer l’escalade, tout en parvenant à rester "sous le seuil” comme on dit dans le jargon militaire, dans une “zone grise”, avec des stratégies de déstabilisation de type hybride.

Depuis les années 90, la Chine a ainsi pris possession par la force d’une dizaine de récifs sur les archipels Spratleys et Paracels, qu’elle a transformé en îles artificielles, et où elle érige, depuis 2015, des aéroports, des ports et des bases militaires aux dépens, non seulement des Philippines, mais aussi de Taïwan, de la Malaisie, de l’Indonésie, de Brunei et du Vietnam, qui tous s’opposent aux revendications territoriales de Pékin sur 80 % de la mer de Chine méridionale. 

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