À la Une en Asie

Menacés d'expulsion, des centaines de milliers d'Afghans quittent le Pakistan

Publié le :

À partir de ce 1er novembre, le Pakistan expulse les ressortissants étrangers « sans-papiers ». Plus de deux millions sont concernés. Au moins 600 000 d’entre eux ont quitté l’Afghanistan après la prise de pouvoir des talibans en août 2021. Malgré les demandes de l’ONU de suspendre les renvois forcés de ressortissants afghans, le gouvernement pakistanais a annoncé la semaine dernière l’ouverture de plusieurs centres de rétention pour les Afghans en situation irrégulière sur son territoire.

Des ressortissants afghans se pressent à la frontière pakistanaise, le 31 octobre 2023.
Des ressortissants afghans se pressent à la frontière pakistanaise, le 31 octobre 2023. REUTERS - ABDUL KHALIQ ACHAKZAI
Publicité

De notre correspondante à Islamabad,

Les expulsions commencent officiellement ce mercredi. Mais dans les faits, cela fait plusieurs semaines que des Afghans sont arrêtés. Nombreux sont ceux qui racontent avoir fait face à des brutalités et des extorsions de la part des forces de l’ordre qui profiteraient de leur vulnérabilité pour leur extorquer de l’argent, les menaçant de les expulser ou de les mettre en prison.

Le Pakistan accueille depuis des décennies des milliers d'Afghans qui ont trouvé refuge par vague, en fonction des guerres qui ont secoué leur pays. L’invasion soviétique dans les années 1980, la prise du pouvoir par les talibans dans les années 1990, les années violentes de la République afghane après l’intervention de la coalition internationale, puis la prise du pouvoir par les talibans en août 2021. Plus d’un million et demi d'Afghans auraient un statut de réfugié au Pakistan. Un statut difficile à obtenir dans le pays qui ne délivrait plus de carte de réfugié depuis plusieurs années. Plus de deux millions sont en situation irrégulière.

À lire aussiLa France accueille sur son sol cinq Afghanes menacées par les talibans

Les autorités pakistanaises ont appelé leurs concitoyens à dénoncer les Afghans vivant ou travaillant dans leur voisinage. Les propriétaires ont reçu des courriers les enjoignant à expulser leurs locataires afghans. Face à ce climat délétère, près de 83 000 Afghans ont fait le choix de retourner en Afghanistan de leur plein gré. Le poste-frontière de Torkham est submergé chaque jour par des centaines de familles afghanes qui repartent volontairement dans des conditions très difficiles. Tout en sachant que l’Afghanistan traverse une grave crise humanitaire depuis que les talibans ont pris le pouvoir en août 2021 et où les droits de l’homme et en particulier des femmes sont chaque jour bafoués. C’est ce sur quoi insiste l’ONU qui appelle le Pakistan à revenir sur sa décision. Une requête restée sans réponse.

Terreur

Les Afghans sont terrorisés. En particulier ceux qui ont trouvé refuge au Pakistan après que les talibans ont pris le pouvoir en Afghanistan. On a notamment rencontré une jeune journaliste et militante des droits de l’homme menacée par les talibans et qui a migré illégalement au Pakistan il y a moins d’un an. Elle se terre dans une chambre d’hôtel après avoir changé de lieu de vie trois fois. Elle a demandé l’asile auprès de l’ambassade de France à Islamabad mais n’a pour l’instant pas de réponse. « Si je retourne en Afghanistan, ils m’arrêteront et me jetteront en prison », nous a-t-elle dit, citant pour exemple d’autres militantes comme elle, qui sont derrière les barreaux en Afghanistan depuis plusieurs mois.

Les réfugiés afghans comme cette jeune femme sont nombreux. Ils craignent pour leur vie et vivent dans la terreur d’être arrêtés par la police pakistanaise, d’être dénoncés par des voisins. Il n’y a rien ni personne qui peut empêcher à ce jour leur expulsion vers l’Afghanistan. Ils n’ont aucune protection. Plusieurs défenseurs des droits de l’homme et organisations internationales dénoncent un désastre humanitaire et un niveau de répression sans précédent.

 

À Kaboul, les talibans se veulent rassurants

« Comment les réfugiés afghans peuvent-ils être renvoyés de force et dans un délai aussi court ? » avait récemment réagi le porte-parole des talibans. Le gouvernement taliban avait rapidement critiqué l’annonce du gouvernement pakistanais, l’appelant à reconsidérer sa décision. À Kaboul, les autorités s’engagent cependant à enregistrer les Afghans de retour dans leur pays, à les loger et à leur trouver du travail.

Dans quelle mesure cela est-il possible ? La question est d’autant plus légitime que le pays qui s’est effondré économiquement depuis le retour des talibans au pouvoir, est plongé dans l’une des pires crises humanitaires au monde. Dans un communiqué, les talibans se veulent rassurants quant aux citoyens afghans qui ont fui leur pays pour des raisons « politiques ».

« Ils sont assurés de revenir et de vivre en paix dans leur pays », est-il écrit dans un communiqué des autorités talibanes. Des mots qui ne rassurent pas les nombreux journalistes, militantes et militants des droits de l'homme, ainsi que les anciens fonctionnaires, policiers et soldats afghans qui ont trouvé refuge au Pakistan. Plusieurs rapports de l’ONU et d’organisations de défense des droits de l'homme ont révélé que des centaines d'anciens fonctionnaires et membres des forces armées auraient été tués en Afghanistan depuis que les talibans ont pris le pouvoir.

NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail

Suivez toute l'actualité internationale en téléchargeant l'application RFI

Voir les autres épisodes