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La promenade d’un responsable taliban en Europe, récit d’un fiasco sécuritaire

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Comment Abdul Bari Omar, le vice-ministre taliban de la santé, a-t-il pu quitter l’Afghanistan, entrer sur le territoire européen, se déplacer, comme si de rien n’était, dans plusieurs pays pendant près d’un mois et s’offrir le luxe d’être invité à une conférence de l’Organisation mondiale de la Santé, à La Haye, aux Pays-Bas, sans être inquiété ?

Abdul Bari Omar, vice-ministre de la Santé du régime afghan.
Abdul Bari Omar, vice-ministre de la Santé du régime afghan. AFP - STIAN LYSBERG SOLUM
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Le comble, c’est sans doute cette image : la photo d’Abdul Bari Omar, tout sourire au côté du ministre néerlandais de la Santé, un petit selfie posté sur les réseaux sociaux début novembre, en marge du Forum mondial de la production locale, une initiative de l’OMS censée promouvoir l’accès de tous aux médicaments et aux soins médicaux.

Abdul Bari Omar, qui détient, en plus de son portefeuille ministériel, le titre de directeur de l’Agence afghane du médicament, a bien obtenu un badge officiel, il n’a pris pas la parole, mais a pu assister aux différentes interventions, se balader dans les locaux, et peut-être serrer la main de telle ou telle personnalité, puisque des centaines d’hommes et de femmes politiques du monde entier, de hauts fonctionnaires du secteur de la santé et de patrons de laboratoire étaient présents aux Pays-Bas pendant ces trois jours de débat.

Des Pays-Bas jusqu’en Slovaquie en passant par l’Allemagne

Les services de l’OMS qui ont organisé l’évènement n’ont pas répondu à nos questions, mais personne ne s’est visiblement demandé s’il n’y avait pas un problème avec le gouvernement afghan, contrôlé par la nébuleuse talibane depuis l’été 2021, dont plus de 130 individus font l’objet de sanctions pour terrorisme décrétées par le Conseil de sécurité de l’ONU depuis 1999.

La mayonnaise n’a commencé à monter que la semaine dernière, puisqu’après les Pays-Bas, Abdul Bari Omar a continué son périple européen. Après être passé par la Belgique, et avant de se rendre tranquillement en Slovaquie, il s’est arrêté en Allemagne, à Cologne, et il a pris la parole dans une mosquée, invité par une association locale, pour faire la promotion de ce qu’il désigne comme le « nouvel Afghanistan ».  

Un déplacement légal

Cette fois, sa venue n’est pas passée inaperçue, et la polémique est arrivée sur la table du gouvernement. En résumé, comment est-il arrivé là, que fabrique ce taliban chez nous ? La diplomatie allemande a fini par condamner sa présence en Allemagne, affirmant qu’aucun visa ne lui avait été délivré, que le voyage n’avait pas été annoncé de manière officielle, et que « tant que les talibans bafoueraient les droits humains, il n’y aurait pas de normalisation ».

Voilà pour la mise au point, en attendant, les talibans sont formels : ce déplacement, disent-ils, était légal. Abdul Bari Omar a bien obtenu un visa Schengen (sans doute via l'OMS), il avait même annoncé en anglais sur Twitter son départ pour les Pays-Bas. Arrivé en Europe, il a pu circuler en Europe en toute impunité, profitant d’un énorme trou dans la raquette sécuritaire que les services de renseignement européens feraient bien de combler.

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