Quatre ans après la promulgation par Pékin de la loi sur la sécurité nationale, vecteur d'une très sévère répression du mouvement pro-démocratie à Hong Kong, le gouvernement hongkongais s'apprête à présenter son propre arsenal sécuritaire accompagné d'un énième tour de vis en matière de libertés publiques.

C'est à cause de lui que tout a commencé. Le péché originel, c'est l'article 23, un texte célèbre et redouté, d'à peine quelques lignes, énoncé par la mini-Constitution de Hong Kong. Que dit-il ? Que les autorités hongkongaises devront édicter leurs propres lois afin de prévenir les actes de trahison, de sécession ou de subversion vis-à-vis de la Chine. Prévues noir sur blanc depuis le retrait britannique en 1997, ces dispositions n'ont jamais été appliquées, car chaque fois que le gouvernement a fait mine de s'y attaquer, il a fait face à une marée humaine. En 2003 par exemple, il y a 20 ans, 500 000 manifestants s'étaient déjà mobilisés pour défendre les libertés civiles.
Mais ça, c'était avant. Avant l'immense mouvement pro-démocratie de 2019 et 2020, avant les affrontements violents, avant que la police ne tire à balles réelles et qu'un fossé se creuse au sein même de la société hongkongaise entre opposants et partisans de Pékin. Or, cette image d'un territoire que la Chine considère comme le sien, théâtre de gigantesques rassemblements - on dit qu'un tiers de la population a manifesté le 16 juin 2019 - menés par une jeunesse en ébullition, Xi Jinping n'a pas supporté. C'est la goutte d'eau après un quart de siècle de troubles politiques, et dès juin 2020, le Comité permanent de l'Assemblée nationale populaire à Pékin promulgue une loi sur la sécurité nationale qui va museler le mouvement pro-démocratie.
Comme le relate à l'époque la correspondante de RFI et du journal Le Monde à Hong Kong, Florence de Changy, la répression est d'une férocité sans précédent : " arrestation tous azimuts, fermeture des journaux pro-démocratie, refonte du système électoral, mise en place d'une police politique, interdiction systématique de tout rassemblement, réécriture des programmes d'histoire, interdiction de certains livres, censure des films au cinéma, fichage des citoyens". En quelques semaines, Hong Kong change de visage, la peur s'installe et la Chine parvient à ses fins, mater enfin l'enfant rebelle.
Aujourd'hui, les Hongkongais s'interdisent de parler et peut-être même de penser, tant les risques sont importants. Mais de toute évidence, ça ne suffit pas à John Lee, le patron de Hong Kong, mis sur son trône par le Parti communiste chinois en 2022. Le gouvernement hongkongais qui dispose en théorie d'une marge d'autonomie, mais ne fait plus rien sans en référer à Pékin, a décidé d'appliquer l'article 23 et de créer de nouvelles infractions (trahison, insurrection, détournement de secrets d'Etat, espionnage, sabotage, ingérence étrangère) en plus des délits institués par la Chine depuis 2020. Comme toujours, les termes sont très vagues et sujets à toutes les interprétations, afin de permettre les coups de filet les plus larges possibles. Officiellement, on est encore dans la phase de consultation publique qui doit s'achever le 28 février 2024, mais l'administration hongkongaise ne cache pas que tout sera plié d'ici la fin de l'année 2024. Soit le dernier clou planté sur le cercueil d'un territoire terrorisé et considéré il y a encore quelques années comme exemplaire en matière de libertés civiles.
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